Vers une relance par les femmes dans la région MENA : il est temps de lever les obstacles restants à l’autonomisation économique des femmes

Image bannière : Andrew Esson, Baseline Arts Ltd
Vers une relance par les femmes dans la région MENA : il est temps de lever les obstacles restants à l’autonomisation économique des femmes
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Cet article s’inscrit dans une série de contributions d’experts de l’OCDE et d’influenceurs – du monde entier et de tout secteur de la société – qui répondent à la crise du COVID-19, partageant et développant des solutions pour aujourd’hui et demain.

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Alors que les femmes de la région MENA sont en première ligne de la lutte contre le COVID-19, la persistance de cadres juridiques discriminatoires entravent l’autonomisation des femmes.

La pandémie de COVID-19 a mis en lumière la fragilité de nos systèmes actuels. Les perspectives économiques demeurent extrêmement incertaines. Selon les dernières Perspectives Economiques intérimaires de l’OCDE, l’année 2020 risque de voir le PIB mondial chuter de 4,5% et de nombreuses économies pourraient ne pas retrouver leurs niveaux de production de 2019 avant 2022 au plus tôt. Au-delà de l’économie, les coûts sociaux pourraient être de bien plus longue durée au vu de l’amplification par la crise de nombreuses inégalités pré-existantes.

Comme dans l’ensemble du monde, les femmes dans la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) ont été touchées de manière disproportionnée par la crise. Alors que les femmes, qui représentent 79% du personnel infirmier, ont été en première ligne de la réponse sanitaire au COVID-19, elles font face à des conditions particulières difficiles durant la crise.

Les femmes ont également du endosser la charge accrue de travail domestique non rémunéré durant la période de confinement en raison de la stigmatisation sociale et des lois sur la famille. Bien que les femmes de la région MENA jouent un rôle décisif dans la lutte contre la pandémie, il reste beaucoup à faire pour s’attaquer aux lois discriminatoires sur le marriage et le divorce, la prise de décision au sein de la famille, l’héritage et les droits de propriété, mais aussi la liberté de déplacement en vue d’accroître l’autonomisation des femmes. Pour garantir des avancées réelles en termes d’autonomisation économique des femmes, des engagements (inter)nationaux et constitutionnels pour l’égalité et la non-discrimination devront être inclus dans les lois nationales et réellement mis en œuvre.

La crise du COVID-19 a révélé sans l’ombre d’un doute que les femmes de la région MENA constituent une force sur laquelle il faudra compter et sans laquelle aucune reprise durable ne pourra être possible. Au cours de la crise, elles ont été le fer de lance d’initiatives communautaires visant à fournir du soutien et de la nourriture au voisinage, qui ont souvent mené à la création de nouvelles micro-entreprises de prestation de services. C’est aussi en grande partie grâce au lobbying acharné des femmes que les gouvernements ont adopté des mesures phares pour les protéger face à l’escalade des violences basées sur le genre, même en situation de confinement. A titre d’exemple, l’Egypte a ouvert huit nouveaux foyers pour accueillir les femmes et les enfants et leur fournir une assistance sociale et juridique, la Tunisie a augmenté les capacités de sa ligne nationale d’écoute et lancé un service gratuit de soutien psychologique par téléphone, tandis qu’au Maroc, les femmes ont désormais la posibilité de signaler les actes de violence par mail.

Les femmes sont des « créatrices de changement » dans le processus de reprise. Il est temps pour elles de prendre la place qui leur revient dans l’économie et dans les rôles de direction dans la région.

L’OCDE et la région MENA: partenaires pour une relance par les femmes

La bonne nouvelle est que la dynamique en faveur de l’égalité des sexes s’est renforcée dans la région au cours de la dernière décennie. De réels progrès ont été accomplis en matière d’égalité de genre dans l’éducation : le taux d’inscription des femmes à l’éducation supérieure est supérieur à celui des hommes au niveau régional, tandis que certains pays MENA dépassent les pays de l’OCDE en ce qui concerne le nombre de femmes poursuivant des études de sciences, technologie, ingénierie et mathématiques, aussi connu sous le nom de STEM (jusqu’à 57% des diplômées de STEM dans la région sont des femmes, comparées à la moyenne de l’OCDE de 30%). De nombreux pays ont réformé leurs codes du travail pour accroître l’accès des femmes à des emplois de qualité et interdire les discriminations salariales. Plusieurs pays MENA ont également mis en place des mécanismes de protection sociales en faveur des travailleurs vulnérables et étendu l’éventail des offres de garde d’enfants pour les mères qui travaillent afin d’améliorer l’équilibre entre la vie professionnelle et privée. Ce ne sont là que quelques exemples isolés parmi tant d’autres d’une région qui, malgré de nombreux défis, est indéniablement en mouvement.

Lire la publication : Changer les lois et éliminer les obstacles à l’autonomisation économique des femmes : Égypte, Jordanie, Maroc et Tunisie

Pour s’assurer que la crise ne remette pas en cause des décennies de progrès en matière d’autonomisation des femmes – et pour mobiliser le dynamisme et le cran des femmes de la région pour reconstruire l’après-COVID – de la volonté politique, des ressources et des actions décisives sont nécessaires. Plusieurs gouvernements de la région ont pris des mesures pour inclure les femmes dans la prise de décision concernant la réponse au COVID-19. Certaines des mesures de relance ont ciblé spécifiquement les femmes, notamment en apportant un soutien aux travailleuses par le biais de congés payés, de modalités de travail flexibles, d’indemnités de chômage et de maladie, d’une aide au revenue et d’un accès facilité au crédit. En vue d’une reprise inclusive, les gouvernements devront continuer à s’assurer que toutes les mesures de relance intègrent une perspective de genre.

L’OCDE travaille activement avec la region pour faire de cette vision une réalité. Nous avons apporté des preuves empiriques, exploré les liens entre autonomisation des femmes et performance économique globale, et partagé des bonnes pratiques pour faire progresser l’autonomisation économique des femmes. Notre engagement avec des acteurs de changement dans la région a donné lieu à des résultats tangibles et constitue une base solide pour réellement changer la donne pour les femmes dans la période COVID et post-COVID.

Notre dernière publication, Changer les lois et éliminer les obstacles à l’autonomisation économique des femmes : Egypte, Jordanie, Maroc et Tunisie, fournit aux décideurs politiques des outils concrets pour l’action, en se basant sur trois années de recherche sur les meilleures pratiques et initiatives ayant généré des résultats tangibles pour les femmes dans la région.

Le rapport met en lumière dix “Facteurs de succès” communs à tous les projets ayant eu un impact élevé. L’échelonnement des réformes – adopter d’abord une politique publique comme levier pour une réforme juridique vs légiférer d’abord pour stimuler des changements politiques et culturels plus vastes – est un facteur essentiel. Promouvoir le leadership des femmes dans les secteurs public et privé est une autre pierre angulaire du progrès. Un meilleur alignement aux normes et standards internationaux est également clé en vue de combler les écarts entre la législation en vigueur, les politiques publiques « sur le papier » et les bénéfices réels pour les femmes. Enfin, rallier le soutien des médias est indispensable pour faire évoluer les mentalités, ce qui constitue peut-être l’un des défis les plus difficiles à relever dans la région.

Même avant le COVID-19, les gouvernements de la région MENA avaient conscience des arguments économiques en faveur de l’autonomisation économique des femmes. Ainsi, élever la participation des femmes au marché du travail au niveau de celle des hommes pourrait accroître le PIB régional de 47%. Atteindre l’égalité des revenus au cours de la vie de la génération des femmes actuellement en âge de travailler pourrait représenter un gain de 3.1 billions USD à l’échelle régionale. Mais la crise a démontré que les femmes ne sont pas uniquement des moteurs potentiels du PIB, mais également des leaders pour la transformation sociale et économique. A l’heure où tout la mobilisation de tous sera nécessaire pour construire un monde plus propre, plus juste et plus prospère pour l’après-COVID, il est urgent que les gouvernements MENA s’attaquent aux obstacles restants à l’autonomisation économique des femmes.

L’OCDE est fière de collaborer avec la région MENA dans cet effort historique et reconnaissant au leadership des co-présidents du Forum MENA-OCDE pour l(Autonomisation Economique des Femmes, S.E. Dr. Hala El Saeed, Ministre de la Planification et du Développement économique d’Egypte et S.E. M. Jan Thesleff, Ambassadeur de Suède en Egypte.

Pour en savoir plus sur l’initiative MENA-OCDEpour la gouvernance et la compétitivité à l’appui du développement cliquer ici

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