Pour en finir avec les épidémies mondiales, cause d’instabilité

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Pour en finir avec les épidémies mondiales, cause d’instabilité
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Cet article s’inscrit dans une série de contributions d’experts de l’OCDE et d’influenceurs – du monde entier et de tout secteur de la société – qui répondent à la crise du COVID-19, partageant et développant des solutions pour aujourd’hui et demain. Cette série vise à favoriser un échange constructif de vues et d’expertises développées dans différents domaines afin de nous permettre de relever ensemble ce défi majeur. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’OCDE.

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OCDE Lutte contre le coronavirus (COVID‑19) Pour un effort mondial


Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter. 

George Santayana — The Life of Reason: Reason in Common Sense, Scribner’s, (1905), p. 284

Il y a dix-huit ans de cela, ayant achevé ma formation médicale dans les domaines des maladies infectieuses et de la santé publique, je revins m’établir à Toronto, ma ville d’origine. Quelques mois seulement après le début de ma carrière d’enseignant en université de médecine, un virus jusqu’alors inconnu fit son apparition dans la province du Guangdong, en Chine, avant de se propager rapidement à des dizaines de villes dans le monde entier. Toronto fut l’une de ces villes. Le virus y causa une épidémie meurtrière qui, quatre longs mois durant, faucha des vies parmi le personnel soignant qui la combattait en première ligne comme parmi le reste de la population et ravagea des pans entiers de l’économie locale. Ce virus était le coronavirus responsable du SRAS (SARS-CoV).

Aujourd’hui, nous traversons la pire crise de santé publique que le monde ait connue depuis un siècle, et cette crise est due au SARS-CoV2. Ce virus-ci n’a pas mis sens dessus dessous quelques dizaines de villes seulement ; il a bien au contraire paralysé le monde entier et amené avec lui un long cortège de conséquences sanitaires, économiques et sociales. La pandémie de COVID-19 est la preuve flagrante que les maladies infectieuses – que leur cause soit naturelle, accidentelle ou volontaire – peuvent apparaître brusquement et se répandre à une vitesse prodigieuse dans notre monde hyperconnecté. Aussi nous suffira-t-il, pour garder une longueur d’avance sur les prochaines épidémies qui ne manqueront pas de menacer l’humanité, d’être plus rapides et plus avisés.

Au moment même où la conjonction de phénomènes mondiaux – de l’accroissement démographique à la perturbation des écosystèmes sauvages, en passant par la mobilité toujours plus grande de la population mondiale – semble favoriser l’apparition et la circulation de pathogènes redoutables, une révolution est en cours dans le domaine de l’information. Avec les données massives, l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies numériques en plein essor, nous possédons aujourd’hui les moyens de faire en sorte que le savoir se propage au monde entier bien plus vite que n’importe quel microbe. 

 Après avoir vu de mes propres yeux un minuscule virus mettre à genoux une ville entière lors de l’épidémie de SRAS, à Toronto, en 2003, j’ai consacré ma vie professionnelle à concevoir une plateforme mondiale d’information sur les épidémies, qui permette de convertir des éléments épars en indications opportunes grâce auxquelles on pourra prendre des mesures propres à sauvegarder la vie et les moyens d’existence de nos semblables partout dans le monde.

Celui qui sauve une vie sauve le monde entier. 

Le Talmud

La plateforme, qui fait appel au potentiel de l’intelligence artificielle pour augmenter les capacités humaines de surveillance et de suivi des menaces mondiales, exploite et analyse de vastes ensembles de données sur les déplacements afin d’anticiper la manière dont ces menaces sont susceptibles de se propager, et intègre diverses données en rapport avec la démographie (conditions climatiques, systèmes de santé, entre autres facteurs) pour remettre les choses dans leur contexte et apprécier la vulnérabilité des échelons locaux face à divers microbes.

Convertir les données en information utile n’est toutefois que la moitié de la tâche. Pour rendre les collectivités vraiment résistantes aux menaces épidémiques, encore faut-il que cette information serve pour agir en temps voulu. Et ce n’est pas seulement aux valeureux agents de la santé publique et aux prestataires de soins de première ligne qu’il incombe d’agir, mais bien à la société toute entière.

Lire aussi La lutte contre la désinformation : élément essentiel de la reprise après le COVID‑19 par Anthony Gooch

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Au cours de la pandémie de COVID-19, il a souvent été dit que « nous étions tous concernés », manière de souligner que chacun de nous doit faire sa part pour que tous nous soyons protégés et, par suite, le monde qui nous entoure également.

BlueDot est une entreprise sociale que j’ai fondée il y a sept ans et qui réunit un groupe éclectique de médecins, de vétérinaires, d’écologistes, d’épidémiologistes, de géographes, d’ingénieurs de données et de spécialistes en sciences des données, de développeurs de logiciels, et d’experts des facteurs humains et des communications sur la santé. Nous avons eu l’occasion peu commune, au cours de cette pandémie, de travailler avec une multitude d’organisations des secteurs public et privé, ayant la lourde de tâche de traduire les informations utiles à disposition en mesures pleinement compatibles avec les habitudes de travail d’une structure donnée et de son personnel. Nous avons entre autres noué des partenariats avec des administrations intervenant dans les domaines de la santé publique, des soins, de la défense, de la sécurité et de l’agriculture ainsi qu’avec des entreprises privées qui travaillent dur pour préserver la santé et la sécurité de leurs salariés et de leurs clients partout dans le monde, tout en essayant d’atténuer les conséquences financières susceptibles de mettre en péril leurs moyens d’existence. Ces efforts pour créer des ponts entre des secteurs différents sont nécessaires non seulement pour venir à bout de la pandémie le plus vite et le plus sûrement possible, mais aussi pour écarter le spectre de la prochaine épidémie ou pandémie grave.

Une once de prévention vaut une livre de guérison.

Benjamin Franklin, 1736

Rien qu’au cours de ces dix dernières années, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré six épidémies comme « urgence de santé publique de portée internationale ». Soit en moyenne une tous les deux ans environ. À ce rythme, il est tout à fait plausible que le monde puisse se trouver confronté à une nouvelle épidémie avant même la fin de la pandémie actuelle, ou peu de temps après sa disparition. Si nous ne savons pas, tous autant que nous sommes, nous rappeler le passé récent, nous le verrons se répéter plus vite que nous le voudrions. La pandémie de COVID-19 a été, et demeure, une épreuve extrêmement douloureuse pour chacun : pour les individus, pour les entreprises, et pour les pouvoirs publics du monde entier. Elle nous offre cependant l’occasion rare d’exploiter le potentiel des données massives et des techniques d’analyse avancée pour nous préparer aux menaces épidémiques qui ne manqueront pas de se profiler demain.

Le temps est compté.

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