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Des minerais critiques de plus en plus nécessaires
Ces dernières années, l’AIE a approfondi et développé ses travaux sur les minerais critiques pour la transition vers des énergies propres, mettant ainsi en évidence le rôle central que jouent ces matières premières pour assurer la sécurité énergétique et atteindre les objectifs climatiques à l’échelle mondiale.
L’an dernier, l’AIE a publié un rapport spécial qui examinait les liens complexes entre les technologies énergétiques propres et les minerais. À ce jour, il s’agit de l’étude mondiale la plus complète menée sur le sujet, ce qui témoigne de l’engagement pris par l’AIE pour veiller à ce que les systèmes énergétiques demeurent aussi résilients, sûrs et durables que possible.
La demande de minerais critiques destinés aux technologies énergétiques propres pourrait plus que quadrupler d’ici à 2040 si le monde tient les engagements pris pour atteindre ses objectifs climatiques.
Nous sommes au beau milieu d’une transition complexe vers un avenir énergétique propre. L’électricité renouvelable a tenu bon face à la pandémie de COVID-19, enregistrant une croissance inégalée jusqu’alors, et le nombre de nouvelles installations mises en service en 2022 va vraisemblablement atteindre de nouveaux records. Les ventes mondiales de voitures électriques se sont également envolées, avec 2 millions de transactions au premier trimestre 2022, soit une hausse de 75 % par rapport à la même période en 2021. Les mesures prises par un nombre grandissant de pays et d’entreprises pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre nécessitent le déploiement massif d’une vaste palette de technologies énergétiques propres, qui dépendent en grande partie de minerais critiques tels que le cuivre, le lithium, le nickel, le cobalt et les terres rares. Les données et analyses de l’AIE montrent qu’en adoptant des mesures concertées en faveur de la réalisation des objectifs climatiques de l’Accord de Paris, la demande de minerais destinés aux technologies énergétiques propres pourrait être au moins quatre fois plus élevée à l’horizon 2040.
Comme chacun sait, il suffit que la demande de pétrole augmente de quelques points pour que les marchés soient exposés à de profonds déséquilibres, avec des répercussions sur les prix. Des comportements semblables sont à présent observés sur les marchés du cobalt, du lithium et d’autres minerais critiques, la montée en flèche de la demande observée dernièrement se traduisant par une envolée des prix. Cette situation prouve que le monde n’est pas encore prêt à faire face à cette volatilité et à ces perturbations. Si les décideurs ne s’attaquent pas à la question de la résilience de ces chaînes d’approvisionnement, il va être encore plus difficile d’atteindre les objectifs climatiques mondiaux et de garantir la sécurité énergétique.
Tirer les enseignements des crises pétrolières
L’une des activités centrales de l’AIE consiste à garantir la sécurité des approvisionnements en pétrole en soumettant ses pays membres à des obligations de stockage. En cas de grosses perturbations au niveau des approvisionnements en pétrole, l’AIE coordonne la réaction collective de ses membres, qui puisent dans leurs stocks pour injecter du pétrole supplémentaire sur le marché mondial, et ainsi atténuer les conséquences économiques négatives d’une crise soudaine des approvisionnements. Cette démarche a récemment montré tout son intérêt, à la suite des perturbations du marché du pétrole causées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En réaction aux remous observés sur les marchés, les pays membres de l’AIE ont collectivement puisé dans leurs réserves à deux reprises – et ont ainsi procédé à la libération de stocks la plus importante observée depuis la création de l’agence, il y a près de 50 ans – ce qui a contribué à alléger les tensions.
Lors de la réunion ministérielle de l’AIE qui s’est tenue en mars 2022, les gouvernements des pays membres ont appelé l’Agence à renforcer et élargir les travaux consacrés à la sécurité des minerais critiques, en mettant à profit la longue expérience acquise dans le domaine de la sécurité du marché du pétrole.
Pour cela, l’AIE va mettre en place un nouvel axe de travail spécifiquement consacré aux minerais critiques. Les activités conduites dans ce cadre couvriront tout un éventail de questions, de manière à garantir la fiabilité et la durabilité des approvisionnements en minerais, et consisteront notamment à renforcer les travaux réalisés autour de la surveillance du marché, de l'innovation technologique, de la résilience des chaînes d’approvisionnement, du recyclage, des normes environnementales et sociales et de la coopération internationale et régionale. L’objectif est de créer un filet de sécurité et de faire en sorte que les minerais critiques permettent aux pays du monde entier d’accélérer leur transition vers des énergies propres à la fois sûres et abordables – mais aussi d’offrir davantage de prospérité aux pays qui produisent des minerais critiques de manière durable et viable pour l’environnement.
La chaleur solaire, un outil indispensable à prioriser pour la transition énergétique des villes et des territoires par Hugues Defréville, Co-fondateur & Président, Newheat
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L’importance capitale des questions d’environnement, de société et de gouvernance
Si la disponibilité et les prix des minerais critiques sont déterminants, les transitions énergétiques n’en doivent pas moins être durables et centrées sur les individus. Les mesures ciblant le changement climatique ne peuvent pas être adoptées au détriment de l’environnement, des travailleurs ou des communautés qui produisent les matières essentielles. C’est pourquoi l’un des principaux piliers du plan d’action complet de l’AIE sur les minerais critiques concerne la gestion des risques dans les domaines de l’environnement, du social et de la gouvernance (ESG).
À l’avenir, il importera de lutter contre les conséquences environnementales et sociales du développement des minerais. Ces dernières recouvrent notamment les émissions liées à l’exploitation minière et au traitement des minerais ; les risques liés à une gestion inadéquate des déchets et de l’eau ; et les conséquences d’une sécurité insuffisante pour les travailleurs, des atteintes aux droits humains – comme le travail des enfants – et de la corruption. Le fait de veiller à ce que l’exploitation des richesses minérales ait de véritables retombées pour les communautés locales représente un défi à la fois vaste et complexe, en particulier dans les pays où les mines sont le plus souvent de petite taille et exploitées artisanalement.
Dans ce contexte, la mise en œuvre efficace du Guide OCDE sur le devoir de diligence peut se révéler déterminante pour améliorer les résultats dans les domaines ESG. Les acheteurs et vendeurs peuvent faire la différence, à condition de savoir repérer, évaluer et atténuer les risques liés aux chaînes d’approvisionnement. Parallèlement, les mesures que prennent les pouvoirs publics à l’échelle locale peuvent répondre aux préoccupations relatives aux questions d’environnement, de société et de gouvernance. L’amélioration des codes miniers peut aller dans le sens d’un plus grand respect des normes environnementales, d’une plus grande protection des travailleurs et du renforcement des normes de transparence.
De solides arguments en faveur de la coopération internationale
Enfin, je voudrais souligner que la coopération internationale doit être renforcée pour apporter aux entreprises et aux pouvoirs publics le soutien dont ils ont besoin. Il importe que tout au long de la chaîne d’approvisionnement, les entreprises collaborent à l’élaboration de nouvelles stratégies en vue d’atténuer les différents risques. La coopération entre des organisations telles que l’AIE et l’OCDE peut enrichir à divers égards la prise en charge de problématiques communes et contribuer à ce que les dimensions ESG soient convenablement prises en compte dans le cadre de la sécurité énergétique internationale. Enfin et surtout, les pays devront coopérer plus étroitement, notamment pour ce qui concerne le développement de chaînes d’approvisionnement responsables et résilientes.
Les bouleversements liés à l’invasion de l’Ukraine par la Russie soulignent à quel point les chaînes d’approvisionnement mondiales sont vulnérables face à de possibles perturbations.
Comme l’ont montré les débats qui se sont tenus lors du 15e Forum de l’OCDE sur les chaînes d’approvisionnement responsables en minerais au mois de mai, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a mis en lumière la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales face à de possibles perturbations. Cet avertissement doit nous pousser à aller plus loin pour rendre ces chaînes d’approvisionnement à la fois résilientes et durables. Au sein des chaînes d’approvisionnement, nous avons naturellement tendance à délaisser quelque peu les questions relatives aux droits humains et à l’environnement au profit de la sécurité des approvisionnements, qui prédomine actuellement. Nous devrions cependant replacer ces questionnements dans une perspective à long terme. Les mesures prises pour garantir des chaînes d’approvisionnement en minerais sûres et responsables doivent aller de pair.
Le message est clair : la mise en place de chaînes d’approvisionnement responsables et résilientes sera indispensable pour éviter aux pouvoirs publics de devoir choisir entre la sécurité et la durabilité.
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