Lutter contre l’écart de rémunération et la résistance à l’égalité entre les sexes

Lutter contre l’écart de rémunération et la résistance à l’égalité entre les sexes
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En mars 2023, la Commission de la condition de la femme des Nations Unies a tenu sa 67e session (CSW67). Des représentants des États membres, des entités des Nations Unies et des organisations non gouvernementales (ONG) accréditées par le Conseil économique et social (ECOSOC) de toutes les régions du monde ont pris part à des conversations autour du thème « L’innovation, le changement technologique et l’éducation à l’ère numérique ». En tant que membre de la délégation canadienne et représentante du Bureau de l’équité salariale de l’Ontario, j’ai pu contribuer à la formulation de conclusions concertées qui façonneront l’approche des États membres de l’ONU en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. 

Au fil des observations présentées par les participants tout au long de la première semaine de travail, deux thèmes communs ont émergé : tout d’abord, l’importance de lutter contre la résistance à la réalisation de l’égalité entre les sexes, et ensuite, les possibilités offertes par les technologies pour accroître la transparence et parvenir à l’équité salariale à l’échelle mondiale. Commençons par le second point et ses effets sur l’élimination de l’écart salarial entre les hommes et les femmes.

Le rapport de l’OCDE intitulé Pay Transparency Tools to Close the Gender Wage Gap (Outils favorisant la transparence salariale pour combler l’écart salarial entre les sexes) indique que dans les pays de l’OCDE, l’écart salarial annuel moyen entre les hommes et les femmes s’élève à 12,8 % (contre 19 % en 1996, lorsque les pays membres ont commencé à rendre compte de cet écart). Dans l’un de mes articles précédents présentés au réseau du Forum de l’OCDE, j’ai examiné les causes potentielles de la diminution de l’écart salarial entre les sexes. Une évidence demeure : ce qui est mesuré peut être contrôlé. Tous les pays de l’OCDE utilisent la technologie pour collecter et analyser les données salariales ventilées selon le sexe au niveau national, et les publient généralement sur le site Web de leur institut national de la statistique. Cependant, un peu moins de la moitié des pays de l’OCDE (47 %) exigent des entreprises du secteur privé qu’elles communiquent les écarts salariaux entre les sexes aux parties prenantes, notamment les travailleurs, leurs représentants et la population. Nous savons que la collecte de données sans analyse ni obligation de rendre des comptes ne permet pas de réaliser des progrès, et les gouvernements devraient être poussés à prendre des mesures à cet égard.

Dans le cadre de la CSW67, j’ai été invitée à prendre la parole lors d’un événement organisé par la République tchèque dont le thème était « New Opportunities to Reduce the Gender Pay Gap in the Digital Age » (Nouvelles possibilités de réduire l’écart salarial entre les sexes à l’ère numérique). Au cours de la séance, les panélistes ont discuté des initiatives liées à l’équité salariale prises au Canada, au Costa Rica et dans l’ensemble de l’Union européenne (UE). Nous avons notamment discuté de la directive européenne sur la transparence des rémunérations, qui oblige les entreprises de l’UE à communiquer des renseignements sur la rémunération des femmes et des hommes pour un travail de valeur égale, et à prendre des mesures si l’écart salarial entre les sexes dépasse 5 %. De nombreux territoires de compétence, dont New York et la Californie aux États-Unis et la Colombie-Britannique au Canada, suivent l’exemple – de fait, 20 % des Américains pourraient bientôt être concernés par des lois sur la transparence des rémunérations.

Nous savons que la lutte contre l’écart salarial entre les sexes au moyen de politiques et de la technologie peut revêtir diverses formes. L’Ontario et le gouvernement du Canada ont tous deux recours à des lois sur l’équité salariale pour combler les écarts salariaux. Notre cadre législatif et réglementaire repose sur le principe « salaire égal pour un travail de valeur égale », qui reconnaît que le travail historiquement ou traditionnellement effectué par les femmes a été sous-évalué sur le marché du travail, principalement parce qu’il a été catégorisé comme un « travail de femme ». Ce principe dépasse la notion classique « à travail égal, salaire égal », qui vise à remédier à la dévalorisation systémique de certains types d’emplois parce qu’ils sont associés aux femmes. Grâce à un processus d’évaluation des emplois sans distinction de sexe, le cadre politique exige nécessairement la transparence des rémunérations afin d’analyser la relation entre la valeur d’une catégorie d’emplois pour une entreprise et la rémunération correspondante. Ce cadre est mis en pratique au moyen d’outils technologiques qui soutiennent l’analyse de l’équité salariale au sein d’une entreprise. Les conclusions concertées de la CSW67 invitent les gouvernements à accélérer l’utilisation de politiques axées sur le recours aux technologies pour combler les écarts salariaux entre les sexes.

Examinons maintenant l’autre thème qui est ressorti de la CSW67 : « lutter contre la résistance ». Ce thème met les gouvernements au défi de réfléchir à la manière dont ils peuvent tirer davantage parti des technologies et des plateformes numériques pour protéger et promouvoir l’égalité entre les sexes. Un rapport publié par ONU Femmes et le Département des affaires économiques et sociales de l’ONU souligne qu’au rythme actuel des progrès, l’objectif de développement durable no 5 (ODD 5), qui est de parvenir à l’égalité entre les sexes, ne sera pas atteint d’ici 2030. Les défis mondiaux tels que la pandémie de COVID-19 et ses conséquences, les conflits violents, le changement climatique et les attaques contre la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes exacerbent les disparités entre les sexes. Prenons l’exemple de la décision de la Cour suprême des États-Unis d’annuler l’arrêt Roe v. Wade et de rendre l’avortement illégal dans 14 États américains, ce qui limite l’accès à des soins de santé essentiels. De plus, depuis la prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans en août 2021, les femmes sont totalement exclues des fonctions publiques et du système judiciaire et systématiquement exclues de la vie publique, ne pouvant même pas aller à l’école au-delà de la sixième année. L’accès à l’éducation et aux droits reproductifs permet aux femmes de s’intégrer au marché du travail rémunéré, ce qui leur assure une stabilité et, dans certains cas, une indépendance financière. Plus important encore, l’accès à l’éducation et l’accès aux soins de santé reproductive ont été désignés comme deux facteurs essentiels à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes.


Dans ce contexte, quels sont donc les enjeux auxquels sont confrontés les décideurs politiques? Les conclusions concertées de la CSW67 renferment une série de recommandations, mais elles soulignent essentiellement la nécessité pour les décideurs politiques de garder à l’esprit les personnes les plus vulnérables lorsqu’ils légifèrent. Cela nécessite d’élaborer des lois qui permettent aux femmes de prospérer et de s’épanouir dans leurs économies locales et nationales; des lois qui permettent une participation égale et qui reconnaissent équitablement la valeur de la participation des femmes. 

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