Les dirigeants des pays de l’OCDE ont la possibilité de mettre un terme aux pires conséquences du COVID 19 – et la responsabilité de réformer le système, trop fragile et obsolète, censé empêcher la prochaine pandémie

Les chefs d’État et de l’OCDE disposent d’une occasion d’empêcher la survenue d’une autre épidémie, tout en offrant aux générations futures un exemple probant de l’efficacité du multilatéralisme. Ils peuvent mener des changements porteurs de transformation au lieu de simples ajustements.
Les dirigeants des pays de l’OCDE ont la possibilité de mettre un terme aux pires conséquences du COVID 19 – et la responsabilité de réformer le système, trop fragile et obsolète, censé empêcher la prochaine pandémie
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Cet article s’inscrit dans une série de contributions d’experts de l’OCDE et d’influenceurs – du monde entier et de tout secteur de la société – qui répondent à la crise du COVID-19, partageant et développant des solutions pour aujourd’hui et demain. Cette série vise à favoriser un échange constructif de vues et d’expertises développées dans différents domaines afin de nous permettre de relever ensemble ce défi majeur. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’OCDE.

Afin de rester informés de l’ensemble des travaux de l’OCDE dans la lutte contre le COVID-19, visitez la plateforme de l’OCDE  dédiée.



Alors que la pandémie de COVID‑19 se poursuit, les décideurs peuvent et doivent prendre des mesures permettant de mettre fin à ses conséquences les plus lourdes, notamment en limitant les risques de formes graves, de décès et de COVID long. Il est de leur responsabilité, et ils ont la possibilité, d’unir leurs efforts pour mettre en œuvre des changements concrets de nature à empêcher la prochaine menace sanitaire de se transformer en pandémie.

Sur le front du COVID‑19, on observe que rares sont les endroits où l’on rend compte encore quotidiennement de l’évolution de la situation, et que les taux de dépistage ont diminué de moitié depuis mars dans bon nombre de pays à revenu élevé – pourtant, les effets sanitaires, sociaux et économiques directs de la pandémie continuent de se faire sentir.

Même si l’on ne pouvait pas prévoir l’émergence du SARS‑CoV‑2, on sait qu’il existe des outils pour protéger les individus contre les effets les plus graves de la maladie.

Selon les rapports de l’Organisation mondiale de la santé, le COVID‑19 a coûté la vie à 1400 personnes chaque jour du mois de mai. Ces décès, enregistrés pour la plupart dans les pays de l’OCDE, sont autant de tragédies humaines et de sources de pression pour les services de réanimation et leur personnel déjà épuisé. Sur les 6.3 millions de personnes décédées du COVID‑19 à ce jour dans le monde, près de 3 millions vivaient dans les pays de l’OCDE.

Même un COVID « léger » peut avoir des effets délétères sur la santé et l’économie. En effet, lorsque les membres de la famille tombent malades, il faut les soigner et les accompagner pendant plusieurs jours, et lorsque les collègues sont touchés, parfois pour la deuxième fois, ils doivent s’absenter. Il ressort de la dernière analyse des données sur le COVID long que jusqu’à trois personnes sur 10 souffrent encore de toute une série de symptômes plusieurs mois après avoir contracté la maladie : bon nombre d’entre elles nécessitent des soins et des arrêts de travail de longue durée, certaines même quittent leur emploi. Les conséquences à plus long terme, qui pèsent surtout sur les femmes, sont préoccupantes.

Il ne faut pas relâcher les efforts. Les experts consultés pour les besoins du dernier rapport en date établi par Mme Ellen Johnson Sirleaf, ancienne Présidente du Liberia, et moi‑même (Transforming or Tinkering?Inaction lays the groundwork for the next pandemic), indiquent que les pays de l’hémisphère nord devraient se préparer à faire face à de nouvelles vagues de contaminations, à l’image de ce que l’on observe déjà sur le continent américain. De nombreux pays de l’hémisphère sud sont confrontés depuis quelques mois à un grand nombre de cas et enregistrent toujours des décès. Les sous‑variants d’Omicron sont très contagieux et il n’est pas impossible qu’un nouveau variant, plus mortel, apparaisse.  

Find out more about Transforming or Tinkering? Inaction lays the groundwork for the next pandemic by Rt Hon. Helen Clark and H.E. Ellen Johnson Sirleaf

Find out more about Transforming or Tinkering? Inaction lays the groundwork for the next pandemic by Rt Hon. Helen Clark and H.E. Ellen Johnson Sirleaf

Même si l’on ne pouvait pas prévoir l’émergence du SARS‑CoV‑2, on sait qu’il existe des outils pour protéger les individus contre les effets les plus graves de la maladie. Mais les populations des pays de l’OCDE sont‑elles suffisamment protégées ? Selon les pays, et à l’exception du Chili, entre 30 et 70 % des habitants des pays de l’OCDE ont reçu une dose de rappel, la moyenne s’établissant autour de 50 %. En fonction de la date à laquelle cette dose de rappel a été administrée, il se peut que la protection conférée soit en train de s’amenuiser, ce qui peut se traduire par des formes graves ou des décès. Or, les personnels de santé, dont l’effectif déjà insuffisant avant le COVID continue de diminuer à cause de la pandémie, auront toutes les peines du monde à faire face à une autre vague d’ampleur qui viendrait s’ajouter à la pression continue qui s’exerce sur eux pour rattraper les dépistages, traitements et interventions chirurgicales différés depuis deux ans et demi.

Les responsables publics doivent promouvoir les mesures de protection comme la vaccination (rappels compris) et la ventilation, et investir en conséquence, avant une nouvelle résurgence d’Omicron ou l’apparition d’un nouveau variant. Il leur revient également de préparer la population à l’idée d’un retour potentiel de l’obligation du port du masque, des recommandations de distanciation sociale, des mesures d’isolement ou de quarantaine, qui accompagnent chaque nouvelle vague de COVID‑19. Les protocoles de traitement par antiviraux, ces médicaments qui évitent les hospitalisations – et les décès – doivent être clairs et assurer l’accès à ces traitements à toutes les personnes qui en ont besoin. Il faut également préparer les individus à accepter les nouveaux vaccins contre le COVID lorsqu’ils sont disponibles ; la mobilisation des acteurs locaux est essentielle à cet égard.

Les dirigeants des pays de l’OCDE doivent saisir cette occasion pour se préparer à la prochaine pandémie potentielle. Il existe des mesures à prendre au niveau national, notamment procéder à des examens approfondis pendant et après l’action, qui pourront apporter un nouvel éclairage sur les efforts déployés contre le COVID et l’état de préparation face à un nouvel agent pathogène. À cet effet, les pays de l’OCDE ont beaucoup appris les uns des autres et gagneront à continuer de profiter de cet apprentissage mutuel.

Les réformes porteuses de transformation sont indispensables. Dans son rapport (COVID‑19: Make it the Last Pandemic) présenté à l’Assemblée mondiale de la santé en mai 2021, le Panel indépendant pour la préparation et la réponse aux pandémies propose un ensemble de recommandations facilement applicables, fondées sur des données factuelles, invitant les dirigeants à transformer le système mondial de préparation et de réponse aux pandémies.

Des changements audacieux sont nécessaires dans plusieurs domaines : premièrement, il faut prévoir environ 10.5 milliards USD de nouveaux financements par an pour préparer les pays et pouvoir investir dans des actions de choc en cas de crise. Engager quelques milliards qui permettront d’éviter que l’économie mondiale ne perde plusieurs milliers de milliards et de protéger des vies et le bien‑être de la population mondiale n’est pas une demande insurmontable.

Deuxièmement, le système de surveillance n’est ni suffisamment connecté ni assez moderne. Loin de la faciliter, l’instrument juridique en vigueur – le Règlement sanitaire international (RSI) – ralentit la procédure d’alerte. Il faut se pencher d’urgence sur ces questions.

Troisièmement, au cœur de ce système de surveillance doit se trouver une Organisation mondiale de la santé renforcée, ayant autorité pour donner rapidement l’alerte dans le monde entier en cas de nouvelle menace, sur la base du principe de précaution. Un financement fiable et pérenne de son programme de base lui permettrait de jouer efficacement le rôle que ses États Membres attendent d’elle.

Quatrièmement, force est de constater que la distribution dans un cadre caritatif d’instruments de lutte contre la pandémie issus du marché – qui sont en fait des biens publics mondiaux essentiels destinés à lutter contre les menaces pandémiques partout dans le monde – ne fonctionne pas. Moins de 15 % de la population des pays à faible revenu ont reçu deux doses de vaccins contre le COVID‑19. Le système actuel est inéquitable et ne permet pas d’assurer la santé publique. Il faut créer en son sein une plateforme où les conditions sont préalablement négociées selon un principe d’équité, et qui s’inspire des enseignements tirés de l’expérience de l’actuel dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre le COVID‑19 (l’Accélérateur ACT) et du mécanisme COVAX, son volet « vaccins ».

The Haves and Have-Nots: The geopolitical dilemma of COVID vaccine equity by Dr. Ayoade Olatunbosun-Alakija, Member, African Union's African Vaccine Delivery Alliance; Global Advisory Board Member for WomenLift Health; Chief Strategist, CONVINCE Africa

Certaines avancées, du moins sur le plan des processus, vont dans le sens des recommandations du Panel indépendant. Ainsi, en mai, lors de l’Assemblée mondiale de la Santé, les États membres sont convenus d’accorder des financements plus durables à l’Organisation.  

Mais dans l’ensemble, les changements sont bien trop lents, trop axés sur les processus et surtout, nettement insuffisants sur le plan de l’inclusion et de la cohésion. Les procédures visant à modifier le RSI et à créer un nouvel instrument juridique de lutte contre les pandémies – dont la forme et le contenu restent à définir – sont en cours dans le cadre des processus prévus par l’Assemblée mondiale de la Santé. Ces procédures ne permettent pas d’envisager un accord au niveau mondial avant la réunion de mai 2024 de l’Assemblée, ce qui laisse présager une mise en œuvre encore plus tardive. En ce qui concerne les deux axes distincts de modification juridique, d’aucuns s’inquiètent des problèmes de conflits ou de doublons ; par ailleurs, les pays à faible revenu disposant de missions de faible envergure à Genève s’interrogent sur leur capacité à participer à chaque processus sur un pied d’égalité.

S’agissant de la création d’un mécanisme de financement dédié, un nouveau fonds d’intermédiaire financier (FIF) pour la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies est en préparation sous l’égide de la Banque mondiale, mais la structure proposée ne permet pas encore d’entrevoir une approche inclusive du financement et de la gouvernance. Sachant que la préparation et la réponse aux pandémies sont des biens publics mondiaux – et que la bonne préparation d’un pays donné profite à tous les autres – tous les pays devraient contribuer à ce fonds en fonction de leurs moyens, et des dotations devraient soutenir les pays disposant des capacités et de la marge de manœuvre budgétaire les plus limitées. Il semble toutefois, au vu des premiers projets, que l’on s’oriente vers un fonds administré par les donateurs. Or si un modèle de ce type s’est montré inefficace pendant la pandémie actuelle, il est peu probable qu’il fasse ses preuves à l’avenir.

Les pays à faible revenu ont particulièrement souffert de cette pandémie et il leur faudra plus de temps que les autres pour s’en relever. En outre, ils subissent le poids écrasant et meurtrier des pénuries et de la flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires provoquées par l’invasion de l’Ukraine, auquel s’ajoute celui du changement climatique. En ce qui concerne le COVID‑19, ils ont demandé de l’aide sous la forme de licences volontaires et de dérogation à l’Accord sur les ADPIC, mais ont rencontré des obstacles à chaque étape. Les pays du continent africain prévoient aujourd’hui de devenir plus autonomes et de fabriquer leurs propres produits, notamment des vaccins. Les pays de l’OCDE se rangeront du bon côté de l’histoire s’ils aident l’Afrique à atteindre cet objectif, notamment en facilitant les dérogations à l’Accord sur les ADPIC qui permettront de sauver des vies dans des situations d’urgence.

Les chefs d’État et de gouvernement de l’OCDE disposent d’une occasion de stopper cette pandémie et d’empêcher la survenue d’une épidémie comparable, tout en offrant aux générations futures un exemple probant de l’efficacité du multilatéralisme

L’un des principaux défis consiste désormais à mobiliser le leadership mondial qui pourra impulser les transformations utiles pour éradiquer le COVID‑19 et prévenir de futures pandémies.

La mise en place d’un conseil mondial de lutte contre les menaces sanitaires, inclusif et présidé par des chefs d’État ou de gouvernement, tirant sa légitimité de l’Assemblée générale des Nations unies, était au cœur des recommandations du Panel indépendant en mai 2021 – et nous continuons d’affirmer qu’un tel organe est nécessaire. On l’a vu, la santé n’est pas, et de loin, le seul secteur susceptible d’être bouleversé par une pandémie. Une réunion à haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies – dans l’idéal cet automne – pourrait adopter une Déclaration politique définissant la feuille de route de ces réformes transformatrices de l’architecture mondiale et prévoyant la mise en place de ce nouveau conseil mondial. Ce dernier doit être indépendant de l’OMS compte tenu des répercussions et implications transversales et multisectorielles des pandémies.

Au rythme où vont les choses, la transformation nécessaire ne se concrétisera que dans plusieurs années et risque de laisser les pays à faible revenu à l’écart du processus décisionnel.

Les chefs d’État et de gouvernement de l’OCDE disposent d’une occasion de stopper cette pandémie et d’empêcher la survenue d’une épidémie comparable, tout en offrant aux générations futures un exemple probant de l’efficacité du multilatéralisme. Ils peuvent mener des changements porteurs de transformation au lieu de procéder à de simples ajustements.

Si rien n’est fait, les pays continueront d’endurer des souffrances pourtant évitables et de compter sur les mêmes outils internationaux défaillants qui étaient à l’œuvre en décembre 2019 lorsque le monde a entendu parler pour la première fois de l’apparition d’un nouvel agent pathogène respiratoire à Wuhan. Nous risquons de voir se reproduire le cataclysme provoqué par cette pandémie si nous n’agissons pas dès aujourd’hui pour changer les choses.



L’édition 2022 de la Réunion du Conseil de l’OCDE au niveau des Ministres s’est tenue les 9 et 10 juin 2022 sous le thème « L’avenir que nous voulons : des politiques meilleures pour la prochaine génération et une transition durable » – Prenez connaissance de tous les principaux documents et visionnez la conférence de presse de clôture.

The 2022 Meeting of the OECD Council at the Ministerial Level, "The future we want: better policies for the next generation and a sustainable transition", took place 9–10 June—read all of the key documents and watch the closing press conference!

La page internet de l’OCDE consacrée aux systèmes de santé résilients présente les dernières données et politiques des pays de l’OCDE relatives à l’impact du COVID‑19 sur la santé et les systèmes de santé.

Learn more with the OECD Focus on resilient healthcare, which presents the latest OECD data and policy on the impact of COVID-19 on health and health systems.

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