Le rétrofit: une solution frugale, circulaire et inclusive pour décarboner notre parc automobile

La conversion des véhicules thermiques existants en voitures électriques - ou "rétrofit" - présente un fort potentiel pour réduire les emissions de gaz à effet de serre de manière inclusive et circulaire, explique M. Libeau, PDG et Fondateur de Transition One. Image: Shutterstock/ surassawadee
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Cet article s’inscrit dans une série de contributions d’experts de l’OCDE et d’influenceurs – du monde entier et de tout secteur de la société – partageant et développant des solutions pour aujourd’hui et demain. Cette série vise à favoriser un échange constructif de vues et d’expertises développées dans différents domaines afin de nous permettre de relever ensemble ce défi majeur. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’OCDE.

Le dérèglement climatique impose à nos sociétés une adaptation rapide à de nouvelles solutions et de nouveaux paradigmes. Les 260 millions de véhicules en Europe émettant 16% des émissions de gaz à effet de serre (GES), nous ne pourrons atteindre les engagements de neutralité carbone pour 2050 uniquement par le biais du remplacement naturel des flottes nationales par des véhicules neufs. Les constructeurs vont fabriquer en masse des véhicules électriques neufs, ce qui est essentiel. Mais nous pouvons – et devons – saisir l'opportunité d'ajouter à ce volume la conversion de la motorisation de véhicules thermiques existants en motorisation électrique. Cela s’appelle le rétrofit électrique.

Concrètement, le rétrofit consiste à extraire le groupe motopropulseur thermique, l'échappement et le réservoir pour les remplacer par un groupe motopropulseur électrique et un pack batterie. Suivant la complexité de l'opération, cette conversion se fait entre 4 heures et 2 jours. Cette conversion est techniquement possible sur tous les véhicules (récents, anciens, bus, camion, voitures, 2 roues, etc). C'est bien son usage cible qui rend le rétrofit cohérent (puissance, autonomie).

Après 1 an de travaux, la réglementation française a été modifiée en avril 2020 pour autoriser le rétrofit en levant des contraintes fortes comme l’accord du constructeur. Le fabricant de l'unité de rétrofit présente désormais à l'autorité de contrôle un prototype, un dossier technique, ainsi que les résultats des tests réalisés dans un laboratoire officiel. Avec ces éléments, si l'implémentation des normes de sécurité est validée, l'homologation est prononcée pour le modèle présenté. Il n'y a ensuite pas de limite dans la production de conversion sur le modèle homologué tant que les éléments restent les mêmes.

La raison d'être du rétrofit est l'impact écologique significatif qu’il peut délivrer en permettant de convertir les véhicules les plus polluants et moins nombreux, et surtout les véhicules moins polluants mais plus nombreux. Dans les deux cas, l'industrialisation de cette conversion en masse aura une incidence sur la réduction des coûts.

L'aspect vertueux du rétrofit est fondamental pour justifier cette activité. Suivant les sources d'approvisionnement, l'autonomie et l'organisation de la conversion, le rétrofit réduit de 40 à 60% des émissions de GES, tout en faisant en sorte qu'un véhicule en bon état ne devienne pas un déchet prématurément.

Egalement sur le Forum Network en anglais): Plotting the course for a circular economy transition, par Jocelyn Blériot, Executive Lead, International Institutions & Governments, Ellen MacArthur Foundation

La mise en place de zones à faible émission mobilité (ZFE-m) sont des incitations au changement afin d'améliorer la qualité de l'air des zones denses. Même si 75% des ventes de véhicules neufs en France aujourd’hui étaient des voitures électriques, seuls 30% de la flotte seraient électriques à l’horizon 2035. Le rétrofit est vraiment une solution complémentaire aux véhicules neufs.

Un rétrofit vertueux se traduit d'abord par une conversion à proximité des clients chez des professionnels de l'automobile. Ceux-ci perdent de l'activité. En effet, l'entretien d'un véhicule électrique est 30 à 50% moins coûteux qu'un véhicule thermique et ces professionnels sont donc voués à perdre un volume d'affaire significatif. Le rétrofit leur apporte au contraire une nouvelle activité complémentaire pour une durée de 15 à 20 ans. De plus, la conversion des véhicules en électrique est une activité qui ne pourra être délocalisée.

L'urgence climatique exige de l'ambition. Des solutions simples à comprendre et disponibles à un coût abordable sont incontournables pour faire participer le plus grand nombre à la réduction des émissions de GES. En ciblant des véhicules légers et offrant une autonomie raisonnable (100-200km), le rétrofit permet de transformer un "véhicule à tout faire" en un véhicule léger et, vertueux pour un coût initial de 15 000€ - des primes permettant d'atteindre les 5 000 € pour les 100 km d'autonomie. Avec le volume et l'industrialisation, le coût diminuera encore davantage et devrait se situer entre 7 000 et 8 000 €.

Alors quels sont les leviers pour assurer la montée en charge du rétrofit à l'échelle européenne ? La réponse passe d'abord par le soutien d'une filière européenne du rétrofit.

Le point de départ est au niveau de la réglementation, une homogénéisation européenne étant indispensable pour assurer une dimension industrielle à cette activité. En effet, une homologation dans un pays permettrait alors une commercialisation dans d'autres pays, comme pour les véhicules neufs.

Les investisseurs "à impact" ne sont pas encore matures pour cette activité. Ils évitent les investissements industriels, matériel ou consommateurs de CAPEX. Or, le rétrofit pour atteindre ces objectifs impose des investissements conséquents. Des risques financiers doivent être pris pour accélérer rapidement.

La réussite d'un démarrage ambitieux implique des campagnes de communication pour faire connaître cette activité au plus grand nombre - qu'ils soient des particuliers, des professionnels, des administrations ou des collectivités locales. Au démarrage, une filière ne peut pas atteindre ces prix industriels. Des primes sont donc également nécessaires pour assurer des prix abordables et rendre le rétrofit inclusif.

Le rétrofit est une opportunité frugale face au dérèglement climatique. Toute l'ambition que nous mettrons dans cette activité permettra de réduire les émissions de GES tout en améliorant la qualité de l'air. A l’heure de l’impérieuse nécessité de concilier « fin du monde » et « fin du mois », son industrialisation permettra en outre d'obtenir un levier significatif pour réduire les émissions de GES, tout en permettant à tout un chacun de contribuer à l’effort collectif.





Une utilisation efficace des ressources et la poursuite de la transition vers une économie circulaire peuvent contribuer non seulement à la sécurité matérielle, mais aussi à l'amélioration des résultats environnementaux et économiques. Trouvez plus d'informations sur le projet RE-CIRCLE de l'OCDE ici 

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