L'économie des soins non rémunérés et ses vérités : il est temps de prendre soin des soignant(e)s

L’économie repose sur le « travail de soins non rémunéré ». C’est le travail qui permet aux ménages de fonctionner et aux adultes qui en font partie de travailler. C’est ce travail qui subsidie les services de soins publics lorsqu’ils ne sont pas disponibles. Les attitudes concernant la division du travail de soins doivent changer. Image : Shutterstock/aslysun
L'économie des soins non rémunérés et ses vérités : il est temps de prendre soin des soignant(e)s
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Cet article, s’inscrit dans une série de contributions d’experts et d'acteurs clés de la société civile qui cherchent à répondre aux grands enjeux actuels en développant des solutions pour aujourd’hui comme pour demain. Les opinions exprimés ne reflètent pas nécessairement ceux de l’OCDE.




L’incidence économique du travail de soins non rémunéré et la sous-évaluation du travail de soins rémunéré par les femmes sont importantes et mesurables. 

Les normes et les écarts entre les sexes en matière de soins ont longtemps existé et la COVID-19 a exposé les conséquences négatives de cette situation. L’Organisation internationale du travail (OIT) estime que les soins et le travail domestique non rémunérés représentent, par pays, entre 10 et 39 % du produit intérieur brut (PIB). L’OIT a noté que dans certaines économies, soins non rémunérés peuvent contribuer davantage à l’économie que les secteurs de la fabrication, du commerce ou des transports.

L'OCDE a également estimé la valeur du temps consacré au travail non rémunéré à environ 15 % du PIB en moyenne dans les pays de l’OCDE disponibles.

Quel est l’équivalent de cette somme en dollars? Les estimations basées sur les données d’enquêtes sur l’emploi du temps dans 64 pays, réalisées par l’OIT, montrent que 16,4 milliards d’heures sont consacrées chaque jour à des activités de soins non rémunérées. Cela équivaut à 2 milliards de personnes travaillant 8 heures par jour sans rémunération. Si ce travail de soins était évalué sur la base d’un salaire minimum horaire, il représenterait 9 % du PIB mondial, ce qui correspond à 11 000 milliards de dollars. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a également estimé la valeur du temps consacré au travail non rémunéré à environ 15 % du PIB en moyenne dans les pays de l’OCDE disponibles (en utilisant la méthode du coût de remplacement), et jusqu’à 27 % du PIB lorsque les coûts d’opportunité des travailleurs effectuant un travail non rémunéré à domicile sont pris en compte. L’OCDE poursuit en notant que « les femmes créent la majorité de cette valeur économique. »

Voici la réalité. L’économie repose sur le « travail de soins non rémunéré ». C’est le travail qui permet aux ménages de fonctionner et aux adultes qui en font partie de travailler. C’est ce travail qui subsidie les services de soins publics lorsqu’ils ne sont pas disponibles.  Le travail de soins non rémunéré apporte une contribution substantielle à l’économie des pays, ainsi qu’au bien-être des individus et de la société. La plupart des activités de soins non rémunérées restent invisibles, non reconnues et non prises en considération dans les décisions. Ce déséquilibre prive non seulement les femmes d’opportunités économiques; mais il est également coûteux pour la société sous la forme d’une baisse de la productivité et d’une perte de croissance économique.

Le travail de soins non rémunéré constitue également un obstacle important à la participation des femmes au marché du travail, ce qui a des répercussions sur l’équité salariale. Les femmes sont plus susceptibles de travailler à temps partiel en raison de leurs responsabilités en matière de soins, et donc de gagner moins et d’avoir une sécurité financière réduite.

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Quels types de politiques gouvernementales sont nécessaires pour parvenir à l'autonomisation économique des femmes ?

Avant le début de la pandémie, la participation des femmes sur le marché du travail en Ontario, au Canada, avait augmenté de façon spectaculaire au cours des cinquante dernières années. Entre 1976 et 2020, l’écart de participation entre les hommes et les femmes en Ontario est passé de quarante points de pourcentage à neuf points et demi, selon Statistique Canada. Il a toutefois été signalé qu’au Canada, 1,5 million de femmes ont perdu leur emploi au cours des deux premiers mois de la pandémie et qu’en avril 2020, le taux d’emploi des femmes est tombé à 55 %, soit le taux le plus bas depuis les années 1980. Cette dynamique de la main-d’œuvre a été observée dans le monde entier. De nombreuses femmes ont choisi de quitter le marché du travail ou ont été contraintes de le faire avec les confinements et la fermeture des garderies et des écoles publiques. La récession qui a suivi la pandémie de COVID-19 a été surnommée la « récession des femmes » en raison de ses effets négatifs disproportionnés sur les femmes. L’OCDE estime qu’il serait plus juste de parler de « mom-cession » : les mères sont trois fois plus susceptibles que les pères de déclarer qu’elles ont assumé la majeure partie du travail supplémentaire non rémunéré à la suite de la fermeture des écoles et des structures d’accueil (61,5 % des mères d’enfants de moins de 12 ans, contre 22,4 % des pères), et de nombreuses mères de jeunes enfants ont complètement quitté le marché du travail.

En tant que province, pays et économie mondiale, nous ne pouvons pas nous remettre de cette récession sans la participation équitable des femmes au marché du travail.

La représentation des femmes sur le marché du travail présente des avantages sociaux et économiques qui favorisent l’égalité des revenus, la productivité de la main-d’œuvre et l’augmentation du revenu des ménages.

La présence des femmes sur le marché du travail est importante pour plusieurs raisons, notamment pour leur bien-être économique personnel. Mais c’est également essentiel sur le plan macro-économique. Un rapport souvent cité de McKinsey a estimé que, d’ici 2026, le Canada pourrait ajouter 150 milliards de dollars candiens à son produit intérieur brut (PIB) annuel en soutenant la participation des femmes au marché du travail. La Banque Royale du Canada (RBC) estime ce chiffre à 100 milliards de dollars candiens. La participation accrue des femmes au fil du temps contribue à la croissance de la productivité

La représentation des femmes sur le marché du travail présente des avantages sociaux et économiques qui favorisent l’égalité des revenus, la productivité de la main-d’œuvre et l’augmentation du revenu des ménages. Ce dernier élément est un fait marquant étant donné que et les dépenses des ménages sont en grande majorité effectuées par des femmes.

Comment soutenir les femmes sur le marché du travail? Nous devons repenser les « soins » et la division du travail et soutenir les femmes qui veulent travailler. Des lois comme celle de l’Ontario sur le « Droit à la déconnexion » peuvent aider les femmes à gérer leurs responsabilités professionnelles et personnelles, mais il faut aussi que les employeurs soient prêts à soutenir les femmes au travail et satisfaire leurs besoins.

Plus fondamentalement, les attitudes concernant la division du travail de soins doivent changer. Les normes sociales jouent un rôle important dans la répartition des tâches au sein du foyer. En outre, les inégalités entre les sexes au foyer et dans l’emploi trouvent leur origine dans les représentations sexuées des rôles productifs et reproductifs qui persistent dans des cultures et des contextes socio-économiques différents. Avec des variations régionales, le modèle familial de l’« homme pourvoyeur » reste, dans l’ensemble, très ancré dans le tissu social, et le rôle des femmes dans la famille reste central. Mais cela est en train de changer.

L’évolution des structures familiales et le vieillissement des sociétés laissent présager une augmentation du nombre de femmes et d’hommes confrontés au travail de soins non rémunéré et à l’emploi. Pour que les progrès se poursuivent, les responsables politiques, les employeurs et la communauté doivent soutenir les approches égalitaires entre les sexes, à commencer par les changements d’attitude envers les mères qui travaillent, ce qui est considéré comme un arrangement travail-famille approprié, ainsi qu’une division plus égalitaire du travail rémunéré comme du travail de soins non rémunéré. Les attitudes à l’égard du congé de paternité doivent également changer, notamment en aidant les hommes à prendre un congé parental et assumer davantage de responsabilités en matière de soins. Enfin, comme le note l’OIT dans son rapport, Prendre soin d’autrui : Un travail et des emplois pour l’avenir du travail décent , « le cœur du changement dans le travail de soins est une modification de la relation de pouvoir entre les hommes et les femmes dans le travail non rémunéré afin que les femmes puissent être présentes dans la main-d’œuvre. »

Vous pouvez en apprendre davantage sur l’économie des soins sur le site levelthepayingfield.ca. Level the Paying Field est une série en six parties portant sur l’économie, l’équité, les femmes, le travail et l’argent. Le premier épisode examine les tendances mondiales concernant les femmes dans le monde du travail et les soins non rémunérés.




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