Efficacité énergétique des bâtiments : quel rôle pour les villes ?

Entre extinction des feux et subventions, tous les moyens sont bons pour tenter de faire face à la crise énergétique. Mais pendant ce temps, nos bâtiments continuent de gaspiller allègrement l’énergie (et notre argent). Voici pourquoi et comment les villes peuvent contribuer à y remédier.
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Building a resilient recovery: Emerging stronger from the COVID-19 pandemic




Avez-vous souffert de la chaleur suffocante et du soleil écrasant cet été ? Sachez que vous allez peut-être bientôt être nostalgique de cette période. Malgré le réchauffement planétaire et le mois d’octobre exceptionnellement doux qu’a connus l’Europe cette année, l’hiver qui vient risque d’être un peu plus glacial et plus maussade qu’à l’accoutumée. À tous les niveaux, les pouvoirs publics tentent de compenser l’arrêt des approvisionnements en gaz russe par des mesures d’économies d’énergie. On a ainsi pu voir des ministres troquer chemise et cravate contre un col roulé pour appeler à baisser le chauffage à 19° dans les logements, les bureaux et les bâtiments publics. En outre, des villes habituées à briller de mille feux ont décidé d’éteindre les lumières. Un peu partout en Europe, des monuments emblématiques sont désormais plongés dans le noir plus tôt qu’à l’ordinaire, dont la tour Eiffel à Paris et la porte de Brandebourg à Berlin. Au programme des plans d’économies figurent également la diminution de la température des douches et piscines, ou encore l’utilisation des lave-linge et lave-vaisselle aux heures creuses.

Parallèlement, les gouvernements ont mis en place en urgence des subventions et des boucliers tarifaires afin d’amortir le choc de la flambée des prix du gaz pour les ménages et les entreprises. Or, une partie de ce soutien mobilisé à grand-peine risque fort de s’évaporer à travers les toits, les murs et les fenêtres des passoires thermiques. Faute d’agir de manière décisive pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels et autres, on ne pourra pas venir à bout de la crise énergétique.

Mais malgré l’existence de toute une série de technologies de décarbonation des bâtiments, seulement 1 % environ du parc immobilier est rénové chaque année dans l’UE.

Première chose : colmater les fuites

Dans les villes, on trouve beaucoup de bâtiments mal isolés qui font flamber les factures d’énergie et nuisent aux ambitions climatiques. En Europe, le parc de logements est composé à 65 % de bâtiments construits avant les années 80. Dans les bâtiments datant d’avant 1945, les déperditions de chaleur sont cinq fois plus élevées que dans ceux construits après 2010. Une performance énergétique médiocre est aussi synonyme de forte empreinte carbone. Les bâtiments d’habitation et autres produisent près de 40 % des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie, et même parfois jusqu’à 70 % dans de grandes villes comme Londres, New York et Tokyo.

Il existe différentes technologies pour décarboner les bâtiments, qui vont de l’amélioration de l’isolation et des systèmes de ventilation à l’installation de pompes à chaleur et de panneaux solaires. Pourtant, seulement 1 % environ du parc immobilier est rénové chaque année dans l’UE. Par ailleurs, certains experts préviennent que la crise énergétique mondiale pourrait s’aggraver encore en 2023. Il est donc urgent de redoubler d’efforts pour améliorer les performances énergétiques et environnementales des bâtiments.

L’efficacité énergétique peut être un vecteur de création d’emplois et d’amélioration de la santé publique

Investir dans l’efficacité énergétique profite aux finances et à la planète, mais aussi à l’emploi et à la santé. Aux États-Unis par exemple, on estime qu’un million USD investi dans le verdissement des logements et la rénovation des bâtiments tertiaires se traduit par la création de plus de 7 emplois, contre 2,65 emplois s’il est investi dans les énergies fossiles. Au Japon, une étude portant sur plus de 2 500 logements et 5 000 occupants a révélé que la tension artérielle des seconds diminuait sensiblement après des travaux d’isolation thermique, grâce à l’amélioration de la température intérieure.

Au vu de leurs prérogatives en matière d’élaboration et d’application des règles de construction, les villes et les régions peuvent jouer un rôle normatif à l’égard non seulement des bâtiments publics, mais aussi du parc immobilier en général.

L’heure est à une action énergique des villes

Les villes et les régions peuvent montrer l’exemple en matière d’efficacité énergétique, en commençant par investir dans celle de leurs propres bâtiments. En France, par exemple, quelque 20 % du parc immobilier non résidentiel appartient aux collectivités territoriales. D’après une enquête de l’OCDE et du Comité européen des régions, 95 % des villes et des régions ont déjà pris des mesures pour rendre leurs bâtiments plus performants sur le plan énergétique. La ville de Porto a ainsi procédé à la rénovation thermique de plus de 100 bâtiments d’habitation publics entre 2014 et 2019 et les a dotés de capteurs solaires thermiques, ce qui a permis de diviser quasiment par deux la consommation d’énergie et les émissions de carbone. Celle de Milan mène un projet pilote qui prévoit la rénovation de 24 000 m² de logements collectifs, dans le but de réduire d’un tiers les émissions de gaz à effet de serre et de près d’un quart les coûts énergétiques.

Au vu de leurs prérogatives en matière d’élaboration et d’application des règles de construction, les villes et les régions peuvent jouer un rôle normatif à l’égard non seulement des bâtiments publics, mais aussi du parc immobilier en général. Et de fait, 88 % des villes et régions interrogées prescrivent des normes de performance énergétique plus rigoureuses que celles définies au niveau national ; Vancouver et New York appliquent des normes et règlements de construction plus stricts que les équivalents nationaux. Près d’un tiers des villes interrogées préconisent même la neutralité en gaz à effet de serre.

Et elles le font en parfaite connaissance du parc immobilier, car elles sont bien au fait des caractéristiques des bâtiments présents sur leur territoire, et elles sont idéalement placées pour concevoir des stratégies d’efficacité énergétique adaptées à leurs besoins particuliers. Les responsables territoriaux ont en outre autorité pour réunir les entreprises du bâtiment, les énergéticiens, les entreprises et les administrés afin de les engager dans un effort collectif de verdissement des logements et des bâtiments, et cette démarche peut notamment, comme à Copenhague, s’inscrire dans le cadre des stratégies de relance post-COVID-19. Actuellement, 76 % des villes et régions interrogées s’efforcent de faire participer les citoyens au processus de décarbonation.

Egalement sur le Forum Network: Réparons la ville ! Propositions pour nos villes et nos territoires, par Christine Leconte et Sylvain Grisot, Présidente, Conseil national de l’ordre des architectes et Fondateur, dixit.net; Auteurs, Réparons la ville !
Egalement sur le Forum Network: Réparons la ville ! Propositions pour nos villes et nos territoires, par Christine Leconte et Sylvain Grisot, Présidente, Conseil national de l’ordre des architectes et Fondateur, dixit.net; Auteurs, Réparons la ville !
À l’épicentre des trois crises du siècle, la ville est à la fois la source des problèmes et l’une des principales victimes. La bonne nouvelle est qu’elle peut aussi apporter de nombreuses solutions, expliquent Christine Leconte et Sylvain Grisot. Comment faire ? En réparant la ville pour la rendre adaptable à nos envies et nos besoins. En bâtissant une ville qui donne envie d’y vivre.

Faire avancer les choses ensemble 

Malgré les initiatives prometteuses – et l’impulsion donnée par des programmes supranationaux comme Une vague de rénovations pour l’Europe et REPowerEU de la Commission européenne –, les villes et les régions restent confrontées à des obstacles de taille. Les trois quarts d’entre elles indiquent ainsi avoir besoin d’un appui technique et financier supplémentaire de la part de l’administration nationale. En outre, les responsables locaux peinent souvent à surmonter les cloisonnements ministériels et les fossés entre niveaux d’administration. Heureusement, il existe des solutions. Aux Pays-Bas, l’État a ainsi déployé un programme de sortie du gaz naturel au niveau des quartiers (PAW) pour faire cesser toute consommation de ce combustible dans 66 d’entre eux. Les communes participantes programment elles-mêmes la déconnexion des quartiers du gaz naturel et décident des modalités, et les autorités nationales et régionales leur prêtent leur concours et contribuent à transposer à plus grande échelle les enseignements qui en découlent. Des mesures similaires pourraient être prises ailleurs en appliquant la liste de référence pour l’action publique établie par l’OCDE, qui propose un cadre pratique pour aider à planifier les politiques de décarbonation, piloter des projets novateurs et faire participer l’ensemble des parties prenantes à l’effort collectif.

OECD Checklist for Public Action to decarbonise buildings in cities and regions. Source : OECD (2022), Decarbonising Buildings in Cities and Regions

Actionner le changement 

À nous contenter de prendre des mesures au coup par coup, nous sommes condamnés à répéter hiver après hiver les efforts pour chauffer convenablement nos logements en évitant que la facture explose. Laissons les villes moderniser nos bâtiments de l’intérieur et réfléchir la lumière pour nous guider vers un avenir plus résilient.




Lire le rapport complet de l’OCDE intitulé Decarbonising Buildings in Cities and Regions [en anglais]
Read the report Decarbonising Buildings in Cities and Regions

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