Comment construire l’avenir auquel les jeunes aspirent ?

Le 8 juin, en amont de la réunion annuelle du Conseil de l'OCDE au niveau des ministres (RCM), les membres de Youthwise, le conseil des jeunes de l'OCDE, se sont réunis pour la première fois, fédérées autour d’un objectif commun : œuvrer pour plus d’égalité et une meilleure intégration de la jeunesse dans les processus d'élaboration des politiques publiques.
Comment construire l’avenir auquel les jeunes aspirent ?
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Cet article s’inscrit dans une série de contributions d’experts de l’OCDE et d’influenceurs–du monde entier et de tout secteur de la société–qui partageant et développant des solutions pour aujourd’hui et demain.




Franklin D. Roosevelt a dit : « Nous ne pouvons pas toujours construire l'avenir de notre jeunesse, mais nous pouvons construire notre jeunesse pour l'avenir ». J’aime à croire que les deux sont possibles.

Le 8 juin, en amont de la réunion annuelle du Conseil de l'OCDE au niveau des ministres (RCM), les membres de Youthwise, le conseil des jeunes de l'OCDE, se sont réunis pour la première fois, en personne, au siège de l'Organisation à Paris. Ils sont venus aussi bien du Japon, du Chili, et du Costa Rica... que de la ville d’Amiens. Ce fut une occasion unique d’entendre les voix de jeunes issus de réalités sociales et géographiques diverses, fédérées autour d’un objectif commun : œuvrer pour plus d’égalité et une meilleure intégration de la jeunesse dans les processus d'élaboration des politiques publiques.

Des représentants d’organisations de jeunesse et de jeunes experts de l’OCDE se sont joints à Youthwise pour développer une vision de « L’avenir que nous voulons ». Il s’agit d’une étape historique pour l'engagement des jeunes à l'OCDE, puisque pour la première fois, ils ont été invités à participer, aux côtés de ministres, à la réunion institutionnelle la plus importante de l’Organisation.

Pour comprendre les raisons de notre engagement auprès des jeunes, il faut remonter dans le temps.

Crise après crise, comment permettre l’épanouissement des jeunes, et pas seulement leur survie ?

Le travail mené par l'OCDE pour et avec les jeunes remonte à de nombreuses années. Dans un premier temps, nous avons lancé l’alerte quant aux graves répercussions de la crise financière mondiale sur les jeunes générations, et notamment sur leur accès difficile au marché du travail.

Les experts se sont penchés sur les « stigmates » dont a souffert la cohorte de jeunes qui est entrée sur le marché du travail alors que celui-ci était frappé de plein fouet par la crise. Au tout début d’une carrière professionnelle, de telles conditions génèrent en effet des stigmates : des effets négatifs à long terme, tant sur les possibilités d’emploi, que sur les revenus futurs et la qualité de vie.

Pour trouver des solutions aux problèmes soulevés, nous avons redoublé d’efforts pour nous engager auprès de ce groupe aux profils divers et variés. En 2011, nous avons accueilli la conférence annuelle du Forum européen de la jeunesse sur l'emploi des jeunes, pour identifier les mesures les plus susceptibles d’améliorer leur employabilité et leur orientation professionnelle.  

Nous avons également renforcé notre engagement au sein des forums internationaux de jeunes, tels que le Y20 (Forum Jeunesse du G20), qui s'entretiennent régulièrement avec des experts de l'OCDE. Dans le contexte du Y20 en Argentine, nous avions même lancé une campagne pour sensibiliser les jeunes quant aux les aspects les plus déterminants de la vie et du bien-être des individus. Enfin, nous prenons régulièrement l’initiative d’inviter les jeunes à s’exprimer lors du Forum annuel de l’OCDE, aux côtés de toutes les parties prenantes, y compris les décideurs et les responsables politiques.

Campagne de l'OCDE sur le bien-être dans le cadre du sommet Youth20 2018 en Argentine.

En 2019, nous avons aussi lancé la campagne « I am the Future of Work » (« Je suis l’avenir du travail »), et nous sommes prêtés à un véritable exercice d’écoute, sous forme de tournée, pour consulter les jeunes et les mettre en relation avec les employeurs et les décideurs politiques. Grâce à la page web de notre campagne, nous partageons avec les jeunes les travaux de l'OCDE, susceptibles de les aider à s'orienter dans un monde du travail en pleine mutation, ainsi qu’à envisager leur carrière et leur parcours de vie.

La situation de l'emploi des jeunes était encore fragile en raison de la crise financière mondiale, lorsqu'en 2020, l'humanité a fait face à la première pandémie mondiale depuis plus d'un siècle. Les bouleversements engendrés par le COVID-19 ont alarmé les responsables politiques et les décideurs du monde entier, qui ont vu comment, une fois de plus, les jeunes étaient victimes des chocs touchant l'économie et le marché du travail.

Le COVID-19 a été un catalyseur pour l'Organisation, et nous a fait prendre conscience de la nécessité d’agir plus. Nous devions aller au-delà de l’intervention ponctuelle et établir un espace pérenne pour donner une place aux jeunes à l'OCDE : prendre en compte leur voix, leur vision, leur intelligence et leur créativité dans la conception de politiques qui seront déterminantes pour le présent et pour l’avenir. 

L’OCDE a joué un rôle central en aidant les gouvernements à répondre à la pandémie et à façonner la reprise. Nous avions donc l’opportunité unique et la responsabilité d’agir. 

Le premier Conseil des jeunes de l'OCDE : Youthwise

Ainsi, au second semestre 2020, nous avons cherché à capitaliser sur les efforts précédemment déployés pour les mettre à profit et atteindre notre objectif. Après avoir proposé la création d'un Conseil des jeunes aux pays membres de l'OCDE en janvier 2021, Youthwise, la première entité de ce type, a vu le jour en quelques semaines seulement. La première promotion était composée de 23 jeunes âgés de 19 à 30 ans, provenant de 24 pays membres de l'OCDE, et sélectionnés parmi plus de 600 candidats. Notre sélection a été guidée par le souci de respecter la parité femmes-hommes, et nous avons eu le plaisir de recevoir des candidatures provenant d’horizons professionnels variés, comme en témoigne la composition finale du groupe : 11 personnes déjà sur le marché du travail, 9 en études et 3 sans emploi. L’objectif premier de cette initiative était de donner aux jeunes l’opportunité de présenter leurs idées à l’OCDE, et à cette dernière celle d’intégrer des perspectives diverses sur des questions touchant les jeunes, tout comme sur d'autres sujets.

Rapidement, les membres de Youthwise ont été invités par l'OCDE à participer à des discussions de fond à haut niveau, sur des questions figurant en tête des priorités de l'Organisation. Sur l’invitation d’ambassadeurs de l'OCDE, ils ont participé à la discussion sur la nouvelle vision de l'Organisation, destinée à réaffirmer les valeurs fondamentales de l'OCDE et son engagement à relever les défis actuels et futurs. Ils ont également été amenés à contribuer au Plan d'action de l'OCDE pour la jeunesse à la demande des ministres du travail des pays membres de l’Organisation.

Youthwise a, en outre, participé à des événements majeurs, notamment à un débat sur la « double anxiété » des jeunes, à savoir sauver la planète et trouver un emploi, organisé dans le cadre du Pavillon de l'OCDE pour la COP26 à Glasgow. Les membres du Conseil des jeunes ont joué un rôle clé lors de la Semaine de la jeunesse de l’OCDE, en réfléchissant à la manière dont les gouvernements et les entreprises peuvent s’appuyer sur des jeunes entrepreneurs dans le cadre de la reprise post-COVID-19.

Les premiers pas du groupe ont été difficiles en raison des restrictions imposées par la pandémie. La première promotion de Youthwise n'a jamais pu se réunir en personne, chaque discussion s’étant tenue virtuellement. Cependant, malgré, mais peut-être aussi du fait même de ces restrictions, leur contribution a été tout à fait remarquable.

Réunion virtuelle des membres de Youthwise avec les ambassadeurs de l’OCDE.

Réunion virtuelle des membres de Youthwise avec les ambassadeurs de l’OCDE.

La promotion 2021 de Youthwise a placé la barre haut en termes d’engagement des jeunes à l’OCDE, ce qui mettait la promotion 2022 au défi de faire aussi bien…

Lorsque les étoiles s'alignent…

Heureusement, début 2022, les étoiles se sont progressivement alignées, et nous ont portés, ensemble, à prétendre à de plus grandes ambitions encore. L'Italie, qui présidait la Réunion ministérielle de l’OCDE à venir, a recueilli un accord sur le thème suivant : « L'avenir que nous voulons : Des politiques meilleures pour la prochaine génération et une transition durable ». Le jour de la Saint-Valentin, en février, la visite de la ministre des Politiques de la Jeunesse italienne, Fabiana Dadone, et de son équipe, a rapproché l’OCDE de son objectif : placer les jeunes au centre de la prochaine Réunion ministérielle, au sens le plus littéral qui soit. C'est ainsi qu’a commencé un processus de réflexion collective sur la meilleure façon de mobiliser à la fois Youthwise du côté de l'OCDE, et les organisations de jeunesse italiennes, dont j’ai pu rencontrer une bonne partie lors du lancement par l’Italie de l’Année européenne de la jeunesse à Rome, en avril.  

La ministre Fabiana Dadone nous a demandé de mobiliser le pouvoir fédérateur de l'OCDE pour rassembler ces jeunes délégués lors d’un atelier, organisé le 8 juin à Paris, la veille de la Réunion ministérielle de l’OCDE. Les membres de Youthwise, aux côtés des représentants des organisations de jeunesse, ont débattu à l’occasion de plusieurs tables rondes, et échangé autour de trois thèmes centraux : 

  • Assurer la participation des jeunes aux processus de décisions politiques
  • Élaborer des politiques à l’épreuve de l’avenir
  • Soutenir l'action des pouvoirs publics en faveur de la protection de l'environnement

Après plusieurs heures d’échanges constructifs, les membres des différents groupes de travail de l'atelier ont pu présenter le fruit de leurs travaux à Madame la ministre Fabiana Dadone et à l’ancienne Secrétaire générale adjointe de l’OCDE Laurence Boone, ainsi qu’à mes collègues Stefano Scarpetta, Directeur de l'emploi, du travail et des affaires sociales, et Elsa Pilichowski, Directrice de la gouvernance publique. Cet exercice de mentorat inversé en est une illustration concrète : placer les jeunes au cœur de leurs activités apporte beaucoup aux gouvernements et aux organisations internationales.

Elsa Pilichowski, Directrice de la gouvernance publique à l'OCDE et Farah Youssef, Journaliste

Elsa Pilichowski, Directrice de la gouvernance publique à l'OCDE et Farah Youssef, Journaliste

Informations fiables, confiance et justice intergénérationnelle : les clés de l’autonomisation des jeunes

Les participants à l'atelier ont discuté de la façon dont les gouvernements et les organisations publiques intègrent les jeunes dans l'élaboration de leurs politiques. Ils ont souligné le fait qu'une participation réelle à ces processus doit être étroitement liée à l'éducation civique et à l'accès à des informations fiables.

La ministre Dadone a insisté sur la nécessité de renouveler les efforts non seulement pour écouter les voix des jeunes générations mais aussi pour les impliquer activement dans le processus décisionnel : « Il s'agit, en fin de compte, de leur accorder une place à la table des décideurs politiques [...]. Je crois que les politiques fonctionnent mieux lorsque des personnes extérieures à la politique s'intéressent à ce qui se passe à l'intérieur ».

Francesca Borciani, de l'organisation de jeunesse italienne Orizzonti Politici, a souligné combien il était important que, dès leur plus jeune âge, les individus aient accès à des informations complètes et claires sur la manière de voter, de s’engager et d’entreprendre au sein de la vie civique d’une communauté. En d'autres termes, un citoyen engagé est avant tout un citoyen informé.

En 2021, en moyenne, seuls 36.9 % des personnes âgées de 18 à 29 ans ont confiance en leurs gouvernements, contre 45.9 % des personnes âgées de 50 ans et plus. Une faible confiance du public fait obstacle à l'élaboration des politiques et à la capacité des pouvoirs publics à relever les défis sociaux et économiques, ce qui accentue davantage le mécontentement à l'égard du fonctionnement des démocraties. Marine Marty, membre de Youthwise, nous rappelle que « la démocratie ne peut être considérée comme acquise - elle ne fonctionne que si les gens participent ».

Pour faire face à ce défi, il nous faut identifier et surmonter de multiples obstacles, notamment la mésinformation et la désinformation.

Puisque cette menace est de nature transfrontalière, la coopération internationale est essentielle et implique en particulier les jeunes, en tant que principaux utilisateurs de l’espace public numérique. L'édition 2022 du Reuters Institute Digital News Report révèle que les médias publics indépendants peinent à capter l'attention des jeunes générations, ou « social natives (18-24 ans) ». De plus, 39 % d'entre eux, sur l'ensemble des marchés étudiés, se sont tournés vers les réseaux sociaux comme principale source d'information.

Le groupe a également abordé la nécessité de privilégier des dialogues intergénérationnels efficaces lors de la conception des politiques, et ce, pour garantir une action publique durable et tournée vers l'avenir.

Les jeunes sont exposés à des défis complexes à l’échelle mondiale, notamment face au changement climatique, à l'augmentation des inégalités et au niveau élevé des dettes publiques. Ces problèmes soulèvent des questions qui relèvent de la justice intergénérationnelle. Institutionnaliser la participation des jeunes et responsabiliser les gouvernements est le meilleur moyen de garantir une intégration systémique des perspectives des jeunes dans les décisions politiques.

Le groupe a aussi insisté sur la nécessité d'autonomiser les jeunes en renforçant les capacités et les ressources des organisations de jeunesse, afin qu’elles soient plus structurées et puissent amener de véritables changements.

Il suffit de voir ce que les promotions de Youthwise ont accompli jusqu'à présent pour s'en convaincre. Permettre l'égalité des chances des jeunes implique également de donner la parole aux plus défavorisés sur le plan socio-économique et de garantir une répartition intergénérationnelle des ressources qui soit plus équitable. Les participants ont souligné la nécessité de lutter contre ces inégalités, de renforcer la responsabilité des entreprises et de faire en sorte que la pollution ne soit plus rentable.

Coup de projecteur sur la jeunesse

Jack Peplinski et Ilaria Foroni, s’adressant aux ministres lors de la Réunion ministérielle de l’OCDE de 2022

Jack Peplinski et Ilaria Foroni, s’adressant aux ministres lors de la Réunion ministérielle de l’OCDE de 2022

Ces exemples montrent qu’avec de l’ambition et de la motivation, le changement est possible. Ils renforcent notre engagement à contribuer à l’autonomisation des jeunes, et à jouer notre rôle pour bâtir des politiques inclusives, plus justes et plus durables.

Ilaria Foroni et Jack Peplinski, membres de Youthwise, ont été conviés à partager avec les ministres présents les conclusions de l’atelier lors de la session ministérielle consacrée à la « création de meilleures opportunités pour les jeunes », sous la forme d'un projet de manifeste. À cette occasion, les ministres ont justement adopté une série de Recommandations pour la jeunesse, en y incluant notamment les contributions de l’atelier Youthwise 2021. La richesse de ces recommandations montre combien les jeunes ont à apporter au sein des sphères politiques, non seulement en tant que conseillers, mais aussi comme acteurs du changement à part entière. Pourtant, la route est encore longue...

Si cette réunion ministérielle marque une étape historique pour la participation des jeunes à l'OCDE, il faudra faire beaucoup plus pour que la qualité de vie et le bien-être des jeunes générations devienne une priorité politique. Cette tâche est cruciale, car comme nous l'a rappelé Ilaria Foroni : « Si les jeunes représentent un tiers de la population, nous sommes 100% de l'avenir ».




En savoir plus sur les travaux de l'OCDE sur et avec les jeunes

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