Atteindre le possible : assurer l’éducation des réfugiés ukrainiens pour les aider à bâtir une nouvelle vie et à reconstruire leur pays

Le monde connaît une nouvelle vague massive de réfugiés, cette fois en provenance d’Ukraine. Il est de notre devoir à tous d’aider les enfants à vivre en sécurité et à saisir leur chance au lieu de rester sans perspective en marge de nos sociétés. Image Bannière: Shutterstock/Mykola Komarovskyy
Atteindre le possible : assurer l’éducation des réfugiés ukrainiens pour les aider à bâtir une nouvelle vie et à reconstruire leur pays
Like
Cet article s’inscrit dans une série de contributions d’experts de l’OCDE et d’influenceurs–du monde entier et de tout secteur de la société–qui partageant et développant des solutions pour aujourd’hui et demain.




En 1954, les États-Unis ont ouvert leurs frontières à un réfugié arrivant de Syrie. Son fils, Steve Jobs, est devenu l’un des entrepreneurs les plus créatifs au monde, révolutionnant de multiples secteurs allant des ordinateurs et des films d’animation aux téléphones portables et à l’édition numérique. Tout cela a été possible parce qu’il a pu aller à l’école dans son pays d'accueil et que ses professeurs l’ont aidé à développer son potentiel.

À l’échelle mondiale, les enfants de réfugiés ont toujours cinq fois moins de chances d’être scolarisés que les enfants non réfugiés.

Le monde connaît une nouvelle vague massive de réfugiés, cette fois en provenance d’Ukraine. Il est de notre devoir à tous d’aider les enfants à vivre en sécurité et à saisir leur chance au lieu de rester sans perspective en marge de nos sociétés. La première mesure à prendre est de donner à ces enfants accès à l’éducation. Cette mission est largement accomplie pour les réfugiés d’Ukraine même si, à l’échelle mondiale, les enfants de réfugiés ont toujours cinq fois moins de chances d’être scolarisés que les enfants non réfugiés. Mais ce n’est qu’après avoir repris le chemin de l’école dans leur nouvel environnement que le véritable travail commence pour les enfants réfugiés : ils doivent s’adapter à de nouvelles attentes scolaires, apprendre une langue étrangère, se forger une identité sociale qui intègre à la fois leur culture et celle de leur pays d’adoption, et gérer tout cela malgré des pressions souvent contradictoires de la part de leur famille et de leur entourage. Ces difficultés sont amplifiées lorsque les réfugiés vivent à l’écart dans des quartiers pauvres pourvus d’établissements scolaires défavorisés.

Pour la plupart des pays voisins de l’Ukraine, c’est la première fois qu’ils sont confrontés à une vague de réfugiés d’une telle ampleur. Il leur est par conséquent difficile de trouver les bonnes réponses en puisant dans leur expérience passée. C’est donc le moment pour eux, s’ils souhaitent influencer le cours des choses, de regarder à l’extérieur et de se tourner vers des pays ayant déjà connu cette situation.

Aider les pays à regarder au-delà de leurs frontières afin d’apprendre de leurs voisins et avec leurs voisins, c’est ce que l’OCDE sait faire de mieux. S’agissant des enfants réfugiés, l’analyse comparative de l’OCDE montre que la période critique n’intervient généralement pas à leur arrivée dans le pays mais plus tard, lorsque les éducateurs et les systèmes scolaires leur offrent ou non un environnement d’apprentissage adapté à leurs besoins individuels. En Suède, dans les deux mois qui suivent la scolarisation des nouveaux arrivants, les établissements évaluent à la fois leurs compétences linguistiques et leurs acquis, l’évaluation de ces derniers se déroulant, si possible, dans la langue maternelle des élèves pour éliminer tout obstacle linguistique. Sur la base de l’évaluation, les établissements définissent ensuite le meilleur parcours scolaire pour chaque nouvel élève. En Finlande, les enseignants déterminent avec chaque élève et sa famille un programme d’études adapté à ses besoins, en fonction de son parcours scolaire, de son âge et d’autres facteurs.

En plus d’aller à l’école, les élèves réfugiés ont besoin d’un soutien social et psychologique. Ici aussi, le monde est riche d’enseignements. L’Estonie organise actuellement des camps d’été pour les enfants estoniens et ukrainiens âgés de 7 à 14 ans afin que les Ukrainiens puissent interagir avec leurs camarades estoniens, apprendre la langue du pays, découvrir la culture estonienne et faire découvrir la leur, et ainsi se sentir mieux. En 2015, l’Autriche a mis en place des équipes interculturelles mobiles pour soutenir les enseignants qui travaillent avec des enfants réfugiés. Ces équipes dispensent des conseils personnalisés, mènent un travail social avec les élèves et organisent des ateliers pour améliorer le climat en classe. Elles interagissent aussi avec les parents afin de les intégrer dans la communauté scolaire et elles facilitent la communication entre les élèves, les parents et l’école. Aux Pays-Bas, le programme Pharos vise tout particulièrement à répondre aux besoins socioémotionnels des enfants réfugiés, à améliorer le soutien par les pairs en leur donnant la possibilité de raconter leur histoire et de partager leur expérience avec d’autres enfants, et à sensibiliser davantage les enseignants et renforcer les moyens dont ils disposent. Misant sur la camaraderie naturelle qui se forge dès lors que l’on pratique un sport collectif, la ligue nationale de football en Allemagne (Bundesliga) a lancé l’initiative Willkommen im fussball en 2015. L’initiative a été si efficace auprès des jeunes réfugiés que 24 clubs professionnels du pays ont mis en place des dispositifs analogues. Au Canada, le projet Music from Hope permet aux élèves réfugiés de découvrir des instruments de musique tout en s’amusant.

Le rôle des ONG dans l’intégration des migrants par Benoît Hamon, Directeur général, SINGA Global

L’éducation leur donne en effet les outils pour participer à la vie économique. Elle les encourage en outre à prendre part à la vie sociale et civique de leur nouveau cadre de vie. Et elle les dote aussi des moyens et des liens sociaux pour reconstruire leur pays le moment venu.

Si l’intégration dans la collectivité d’accueil est vitale, l’Ukraine aura aussi besoin que sa population revienne en ayant acquis des connaissances et compétences utiles à sa reconstruction. À cette fin, les systèmes éducatifs doivent accompagner les élèves ukrainiens dans leur propre langue et leur propre culture. De nombreux pays y parviennent grâce aux supports préparés par les autorités éducatives ukrainiennes et disponibles sur la plateforme All-Ukraine Online school. Dans certains pays, les élèves réfugiés ukrainiens suivent également des cours l’après-midi ou le samedi pour cultiver leur langue maternelle, approfondir leur connaissance de leur culture et de leur histoire, ou suivre des matières du programme ukrainien. Pour que le projet fonctionne, il faut que les autorités éducatives des pays d’accueil travaillent en étroite coordination avec celles de l’Ukraine et mettent en place des approches novatrices pour améliorer autant que possible la compatibilité des différents systèmes éducatifs. Les ministères de l'Éducation doivent également définir des procédures équitables et cohérentes pour la reconnaissance et l’évaluation des diplômes des réfugiés, et s’assurer que les jeunes Ukrainiens qui terminent leur scolarité peuvent passer l’examen ukrainien de fin d’études secondaires. L’OCDE collabore étroitement avec les pays d’accueil pour faciliter ces procédures dans le cadre du vaste réseau de son Programme pour le suivi des acquis des élèves (PISA).

Le chemin sera long et semé d’embûches, mais l’école reste le meilleur terreau pour l’intégration et l’accompagnement des enfants réfugiés. L’éducation leur donne en effet les outils pour participer à la vie économique. Elle les encourage en outre à prendre part à la vie sociale et civique de leur nouveau cadre de vie. Et elle les dote aussi des moyens et des liens sociaux pour reconstruire leur pays le moment venu. De nombreux pays de l’OCDE nous montrent qu’il s’agit d’un objectif atteignable. Malgré la guerre, nous avons encore les moyens d’offrir un avenir à des centaines et des milliers d’apprenants qui, sans cela, seraient peut-être sans perspective. Notre mission ne consiste pas à viser l’impossible mais à atteindre le possible.




Pour en savoir plus sur le projet de l’OCDE visant à améliorer l’équité et l’inclusivité des systèmes éducatifs, voir : La diversité fait la force [en anglais]

Find out more about the OECD's project to make education systems more equitable and inclusive Strength through Diversity 

Your

Please sign in

If you are a registered user on The OECD Forum Network, please sign in