Améliorer la gestion des déchets pharmaceutiques des ménages : Un enjeu sanitaire et écologique

La consommation de médicaments croît, et avec elle, la production de déchets pharmaceutiques. Ces déchets ont des effets délétères tant sur l’environnement que sur notre santé. Comment gérer les déchets pharmaceutiques des ménages ? Image bannière: Shutterstock/Anton Watman
Améliorer la gestion des déchets pharmaceutiques des ménages : Un enjeu sanitaire et écologique
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Cet article s’inscrit dans une série de contributions d’experts de l’OCDE et d’influenceurs–du monde entier et de tout secteur de la société–qui partageant et développant des solutions pour aujourd’hui et demain.





Une consommation de médicaments en hausse...

La consommation de médicaments a augmenté dans les pays de l’OCDE. En cause ? Le vieillissement de la population, la hausse du nombre de maladies chroniques, l’évolution des infrastructures et pratiques de santé et la démocratisation des produits pharmaceutiques. Une augmentation qui n’est pas près de s’arrêter : en Allemagne par exemple, on estime que la consommation de médicaments devrait connaître une augmentation de 40 % à 68 % entre 2015 et 2045.

Des médicaments… dans l’environnement

La consommation et l’excrétion des produits pharmaceutiques, qui ne sont pas absorbés dans leur intégralité par notre organisme, constitue la principale source d’émission par les ménages. Mais les médicaments non utilisés ou périmés, appelés déchets pharmaceutiques ménagers, peuvent également représenter une source importante de fuite vers l'environnement s’ils ne sont pas éliminés correctement.

Dans le monde, les estimations de la part des médicaments ménagers qui deviennent des déchets va de 3 % à... 50 % ! En France, on estime que les ménages ont jeté 17 300 tonnes de médicaments non utilisés ou périmés en 2019, soit environ 260 g par habitant. La non-utilisation des médicaments représente bien sûr un gaspillage des ressources médicales et des pertes économiques. Leur mauvaise utilisation est un autre risque sanitaire connu (automédication non maîtrisée par exemple). Mais nous sommes parfois moins conscients des risques associés au rejet de médicaments dans l’environnement…

Médicaments rejetés dans l’environnement : des effets doublement délétères

Si les produits pharmaceutiques sont indispensables à la santé humaine et constituent un atout majeur pour nos sociétés, leur rejet dans l’environnement peut avoir des effets délétères sur les écosystèmes. Il engendre notamment une mortalité accrue et des modifications de la physiologie, du comportement ou de la reproduction des espèces aquatiques, ainsi que des mutations chez les animaux. On observe par exemple une féminisation de poissons et d'amphibiens exposés à des traces de contraceptifs oraux, ce qui les rend incapables de se reproduire. De même, le comportement de poissons exposés à des résidus de médicaments psychoactifs s’en trouve altéré.

Les risques sont également sérieux pour la santé humaine. Nous sommes nous aussi quotidiennement exposés à ces rejets par le biais de l’eau et des aliments que nous consommons, qui contiennent des résidus. Autre fait préoccupant : la présence d'antibiotiques dans l'environnement peut contribuer à l’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques, ce qui constitue un grave risque de santé publique.

Face à la hausse de la production de déchets pharmaceutiques et à la multiplication des preuves de leur impact négatif sur l'environnement et la santé, une meilleure gestion des produits et déchets pharmaceutiques s'impose. La synthèse de l’OCDE intitulée Gestion des déchets pharmaceutiques des ménages : Limiter l’impact environnemental des médicaments non utilisés ou périmés dresse un bilan de la situation et présente des pistes d’action concrètes à l’échelle nationale et individuelle.

Que deviennent nos déchets pharmaceutiques ?

Les pratiques en matière d'élimination des déchets ménagers varient selon les pays, en fonction de la disponibilité des systèmes de collecte, mais aussi de la sensibilisation du grand public à la question. Même dans les pays qui disposent de systèmes de collecte dédiés, une grande partie des déchets pharmaceutiques est jetée à la poubelle ou déversée dans les toilettes ou l'évier, et se retrouve alors directement dans les eaux usées.

Les pratiques dépendent également du type de médicaments, les liquides étant plus susceptibles d’être jetés dans les toilettes ou éviers, tandis que les médicaments sous forme solide ont plus de chances d’être traités correctement après avoir été déposés dans des points de collecte ou retournés en pharmacie. Autre risque pour la santé humaine : les empoisonnements accidentels ou intentionnels, si les médicaments non utilisés ne sont pas stockés et éliminés en toute sécurité.

One Health : Un defi mondial, par Jean-Luc Angot, Chef du corps des ISPV

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Que peuvent faire les pouvoirs publics ?

La question de la gestion des déchets pharmaceutiques requiert donc une attention particulière de la part des pouvoirs publics. Diverses mesures, tout au long du cycle de vie des médicaments, pourraient apporter des solutions. Ces mesures peuvent être préventives : médecine personnalisée, durées de prescription moins longues et quantités prescrites moindres, conditionnement adapté, remise sur le marché ou redistribution des médicaments non utilisés. Par exemple, la France a récemment adopté une loi autorisant les pharmacies de quartier à distribuer à l’unité des médicaments sur ordonnance, y compris des antibiotiques.  

Lorsqu'il existe un risque que les médicaments éliminés avec les déchets ménagers s’infiltrent dans l’environnement ou soient utilisés à mauvais escient, une collecte séparée est recommandée pour réduire les impacts sanitaires et environnementaux. Les programmes de responsabilité élargie des producteurs (REP) se sont également révélés être des approches efficaces pour organiser une collecte et un traitement distincts respectueux de l’environnement.

Toutefois, le succès de ces mesures dépend en grande partie des comportements des ménages quant à la bonne gestion de leurs médicaments, d’où l’importance des campagnes de communication et de sensibilisation destinées à faire connaître davantage les filières d’élimination adaptées ou encore l’existence des programmes de récupération. Nos médecins et pharmaciens peuvent contribuer à donner un vrai élan à cette prise de conscience collective.

Par ailleurs, il est préoccupant de constater que la plupart des stations d'épuration classiques ne sont pas conçues pour éliminer les résidus pharmaceutiques. Le fait de jeter des antibiotiques dans les toilettes ou de verser des médicaments liquides non utilisés dans l'évier entraîne ainsi des fuites dans les systèmes d'eau douce. Il faudrait donc améliorer la gestion des eaux usées, tant au niveau des villes que des usines de fabrication de produits pharmaceutiques.

Une autre piste d’action pour les pouvoirs publics consiste bien sûr à s'attaquer à la commercialisation des médicaments contrefaits ou de mauvaise qualité. Le commerce de produits contrefaits dangereux s’est en effet intensifié sous l’effet de la pandémie de COVID-19.

Et moi ?

Alors, concrètement, que faire de nos médicaments en tant que consommateurs et citoyens ? Il est nécessaire de s’interroger et de consommer de manière raisonnée : de quelle quantité de médicaments avons-nous besoin ? Avons-nous déjà des médicaments à la maison qui pourraient encore être utilisés ? L’idée est de privilégier l’utilisation des médicaments déjà à notre disposition, si tant est que la date de péremption ne soit pas dépassée, avant de s’en faire prescrire de nouveaux. Il faut aussi acheter ses médicaments dans les pharmacies officielles (et non sur internet) et suivre le traitement prescrit.

Il est également important de conserver les médicaments dans un endroit sûr, hors de la portée des enfants, afin d’éviter les accidents domestiques. En ce qui concerne la gestion des déchets, il est vivement conseillé de se renseigner sur les moyens de collecte disponibles auprès de votre pharmacien. En France, il est par exemple possible de retourner les médicaments non utilisés directement en pharmacie. C’est également le cas en Espagne, au Portugal et en Suède… Dans les pays où cette possibilité n’existe pas, on peut, en dernier recours, se débarrasser de ses médicaments solides en les écrasant, une fois sortis de leur emballage, avec d'autres déchets comme du marc de café par exemple. On évite ainsi que ces médicaments ne soient collectés à même la poubelle par des tiers.

Une règle générale s'applique : ne jamais jeter de produits pharmaceutiques dans les toilettes ou l’évier. Cela vaut également pour les déchets pharmaceutiques liquides. Ces déchets devraient être systématiquement retournés en pharmacie quand ce système de collecte spécifique existe. Dans les pays où ce type de collecte n’existe pas, il faut mettre les déchets pharmaceutiques liquides avec les déchets ménagers.

En résumé, il convient de respecter les trois étapes suivantes :

  1. Consommer des médicaments avec discernement ;
  2. Conserver les médicaments en toute sécurité et vérifier leur date de péremption ;
  3. Se débarrasser des médicaments non utilisés ou périmés en utilisant systématiquement les systèmes de collecte destinés à cet effet, quand ceux-ci existent, comme c’est le cas en France par exemple.

Vous contribuerez ainsi à préserver votre santé, et celle de l’environnement. La bonne gestion des déchets pharmaceutiques est l’affaire de tous !

Références





Découvrez la synthèse de l’OCDE intitulée Gestion des déchets pharmaceutiques des ménages : Limiter l’impact environnemental des médicaments non utilisés ou périmés

Lirez la synthèse de l’OCDE intitulée Gestion des déchets pharmaceutiques des ménages : Limiter l’impact environnemental des médicaments non utilisés ou périmés

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