Améliorer l’intégration locale des personnes réfugiées : Territorialisation des politiques et coordination des acteurs locaux

Délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés (DiAir), Alain Régnier présente l’une des six politiques étudiées dans un récent rapport de l’OCDE : les Contrats territoriaux d’accueil et d’Intégration des réfugiés signés entre l’État et des villes/métropoles.
Améliorer l’intégration locale des personnes réfugiées : Territorialisation des politiques et coordination des acteurs locaux
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Cet article s’inscrit dans une série de contributions d’experts et d'acteurs clés de la société civile qui cherchent à répondre aux grands enjeux actuels en développant des solutions pour aujourd’hui comme pour demain. Les opinions exprimés ne reflètent pas nécessairement ceux de l’OCDE.



Les travaux de l’OCDE soulignent l’importance de mettre en place des politiques qui améliorent l’intégration des migrants. Une meilleure coordination des différents niveaux de gouvernement et des acteurs locaux est essentielle. Les organisations non gouvernementales ont également un rôle crucial à jouer pour faire le lien entre les politiques universelles et les populations cibles.

Le récent séminaire organisé par l’OCDE sur ce sujet, juste avant l’arrivée massive de réfugiés ukrainiens, a été riche d’enseignements. Alain Régnier, Préfet et Délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés (DiAir) y a présenté l’une des six politiques étudiées dans un récent rapport de l’OCDE : les Contrats territoriaux d’accueil et d’Intégration des réfugiés, signés entre l’État français et des villes et métropoles pour améliorer l’intégration locale des personnes réfugiées.

Dans le contexte de la crise ukrainienne, en parallèle de ses activités habituelles, la DiAir est chargée de mobiliser les acteurs de l’accueil et du secteur associatif. Par ailleurs, la DiAir a été responsable du développement de la plateforme officielle du Gouvernement pour mettre en relation les projets associatifs qui ont besoin de bénévoles et les citoyens volontaires (Parrainage.refugies.info). La plateforme connaît déjà un grand succès. La DiAir continue également de participer au réseau AvecLesRéfugiés, qui œuvre pour déconstruire les préjugés autour des migrations et sensibiliser le public à ces questions.

Les Contrats territoriaux d’accueil et d’intégration des réfugiés (CTAIR), signés entre l’État et des villes/métropoles

Cette nouvelle politique d’intégration en France (les CTAIR) illustre une nouvelle forme de volonté politique dans un système français qui tend à progressivement se décentraliser. En effet, même si la France a depuis longtemps engagé une décentralisation, celle-ci est encore en cours. Et aujourd’hui, il est nécessaire de continuer à travailler pour atténuer la verticalité au niveau des administrations centrales et également au niveau des territoires dans les collectivités.

En 2018, il a été décidé de nommer un Délégué interministériel pour faciliter la transversalité au niveau de l’État central, et aussi – dans le cadre d’une lettre de mission que m’a confiée le premier ministre en 2018 – pour organiser les modalités d’un dialogue et de la construction d’une politique de terrain avec les collectivités locales, les entreprises et la société civile. Il s’agissait de faire émerger des actions qui soient le plus adaptées à la réalité locale de l’accueil et à l’intégration des personnes réfugiées et primo-arrivantes en France.

Intégration des réfugiés : l’essentiel appui des territoires 

Quelques éléments chiffrés : le public réfugié a doublé en France depuis 2013 ; on est passé de 250 000 à 500 000 personnes protégées. Le rythme s’accélère puisqu’en 2022 et 2023, nous serons sur des chiffres de vraisemblablement 60 000 reconnaissances de protection. Il y a donc un changement d’échelle en matière d’intégration des publics réfugiés. Et je rappelle aussi que la France s’est réengagée fortement dans un programme international de réinstallation, qui aujourd’hui représente environ 10 % par an du volume de personnes bénéficiaires de la protection internationale. Par ailleurs, la France accueille légalement sur son territoire entre 200 000 et 250 000 personnes par an.

Ce sont des chiffres importants, et sans l’appui des territoires, nous ne réussirons pas une bonne intégration des personnes primo-arrivantes et réfugiées.

Quels sont les résultats des Contrats Territoriaux d’Accueil et d’Intégration des Réfugiés (CTAIR) ?

Quatre ans après le lancement de cette nouvelle politique, 18 contrats territoriaux d’accueil et d’intégration des réfugiés ont été signés avec de très grandes villes de France. Elles représentent les trois quarts des plus grandes villes de France et se sont engagées avec l’État pour un montant de crédit sur ces trois dernières années de 11 millions d’euros et représentent 100 000 bénéficiaires pour 300 actions.

Depuis 2021, sous l’impulsion du Ministre de l’Intérieur, nous avons élargi au public des personnes primo-arrivantes cette territorialisation dans un projet qui s’appelle Territoires d’Intégration, qui aujourd’hui, en plus des 18 territoires très urbanisés dont je viens de parler, concerne des territoires plus ruraux et de petites villes dans lesquels des actions sont engagées en complément du droit commun, que ce soit sur l’apprentissage du français, la culture, la pratique du sport, ou tout ce qui concourt à une bonne intégration.

On commence par faire l’état des lieux des territoires, les publics concernés, les forces en présence, et on identifie ce qu’il faut améliorer du point de vue de la personne migrante pour favoriser le meilleur projet de vie en France. C’est une logique de co-construction de confiance.

Quel était le fondement de cette politique contractuelle ? Il se trouve que, dans ma vie professionnelle, j’ai beaucoup travaillé sur les enjeux urbains, sur ce qu’on appelle en France la Politique de la Ville, les quartiers en difficulté, et j’ai appliqué une méthode qui a bien marché dans les quartiers de la politique de la ville en France, qui repose sur des contrats de ville. Je me suis inspiré de cette approche contractuelle pour développer une approche similaire en matière d’intégration locale des réfugiés.

Dans une logique de diagnostic partagé, on commence par faire l’état des lieux des territoires, les publics concernés, les forces en présence, et on identifie ce qu’il faut améliorer du point de vue de la personne migrante pour favoriser le meilleur projet de vie en France.

C’est une logique de co-construction de confiance, qui tend à améliorer et amplifier les relations entre les collectivités et l’État central. Il s’agit donc aussi de rassurer sur un sujet difficile, complexe, de démontrer que travailler ensemble à partir d’un diagnostic partagé, dans des actions de proximité, permet de travailler sur tous les axes de cette politique publique, et de développer la souplesse et la flexibilité. Les contrats sont réévalués chaque année et ne sont pas figés. La politique nationale d’intégration prévoit sept axes de travail. Aucun n’est imposé par l’État, ce sont les territoires qui choisissent. À Brest [Bretagne] par exemple, les questions de l’accès à la santé mentale et de l’accès au logement sont les principaux axes du contrat, alors qu’à Strasbourg [Grand Est], l’apprentissage du français est le premier axe de développement de la politique contractuelle.

Egalement sur le Forum Network: Le rôle des ONG dans l’intégration des migrants, par Benoît Hamon, Directeur, SINGA

Ces actions contractualisées permettent de travailler ensemble. La plupart des collectivités ont recruté un chef de projet transversal, qui travaille avec l’ensemble des entreprises, la société civile et qui porte des projets conciliant les différents objectifs des uns et des autres.

Bien sûr, j’ai aussi voulu développer la place des personnes réfugiées dans le pilotage et la construction des actions dans les territoires. Avec UNHCR France, nous avons lancé une démarche en 2021 nommée l’Académie pour la participation des réfugiés. Nous souhaitons continuer d’approfondir la place des personnes migrantes elles-mêmes, à la fois dans le suivi des dispositifs contractuels – un certain nombre de territoires ont intégré des personnes réfugiées dans leurs comités de pilotage – et également de les former à cette participation, ce qui induit des coûts. On ne s’improvise pas participant sur des sujets qui sont parfois très complexes et mobilisent des experts. Il y a tout un enjeu d’apprentissage, de formation des personnes elles-mêmes pour qu’elles deviennent des acteurs à part entière de la construction et des évaluations de ces politiques publiques.

Pour terminer, il y a aussi un volet important, qui est l’accès au numérique. Ce XXIe siècle est très marqué par les questions de circulation de l’information, de respect et d’accès au droit. Là aussi, on a essayé d’être innovant et de partir sur une démarche un peu similaire à celle des CTAIR, en construisant la plateforme réfugiés.info, qui permet aujourd’hui d’avoir accès à 500 fiches d’informations sur des sujets de la vie quotidienne – par exemple accéder à un logement, à des cours de français... La plateforme est en train d’être territorialisée. C’est-à-dire qu’à Grenoble, Lyon et Bordeaux, nous sommes en train de développer des fiches qui correspondent aux projets que l’on trouve sur le territoire. Une personne va pouvoir indiquer : « Je suis réfugié, j’ai 30 ans, je souhaite approfondir mon niveau de français » et être mise en relation dans le territoire avec une structure ou une personne-ressource.

Cette plateforme réfugiés.info a notamment permis l’inscription de citoyens français souhaitant proposer des actions concrètes d’accompagnement et de parrainage des 4 000 réfugiés afghans qui ont rejoint la France à l’été 2021. Donc je dirais que c’est un levier de transformation de l’action publique sur le terrain, dans un pays qui n’est pas de culture décentralisée. Et cela permet d’améliorer la qualité des relations entre les acteurs et de favoriser une meilleure adéquation des politiques locales aux besoins des personnes.

Perspectives futures

Forts aussi du travail mené à l’OCDE, nous allons continuer à développer cette politique contractuelle en étendant ces projets au public des personnes primo-arrivantes et en travaillant sur les qualifications. Le risque de déclassement est important chez les publics migrants, alors même que 15 à 20 % de ces personnes n’ont pas été scolarisées, ni été formées dans leur pays d’origine. On a donc aussi un défi majeur à relever en matière d’apprentissage.







Pour en savoir plus, lisez également le rapport de l'OCDE sur les Contrats territoriaux d’accueil et d’intégration des réfugiés

Pour en savoir plus, lisez également le rapport de l'OCDE sur les Contrats territoriaux d’accueil et d’intégration des réfugiés

Ainsi que le dernier rapport de l'OCDE sur la contribution des migrations au développement régional (en anglais)

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